Auteur : lesautruchesinsomniaques

  • Hexagone 2021

     Embarrassé au mois d'janvier
    Donald Trump regimbe et bougonne
    Il crie aux élections truquées
    Je peux pas dire que ça m'étonne
    Par contre ce que j'ai pas vu v'nir
    Si c'était pas triste ce s'rait drôle
    L'année commence par un Viking 
    Envahissant le capitole 
    
    Février, on voit sur France 2
    Un débat Lepen Darmanin 
    C'est à qui s'ra le plus haineux
    A qui repoussera le plus loin (les limites de la dignité)
    Ils s'ressemblent comme deux gouttes d'eau
    Moi quand j'y pense ça me rend barge
    L'année prochaine, il f'ra facho
    Qui c'est qu'à dit faut faire barrage
    
    En mars, sur le canal de Suez
    Un porte-conteneur est bloqué
    ça va couter un max de pez
    Et puis ça va tout retarder
    Pour libérer la marchandise
    Un ouvrier trouvera la mort
    Entre l'humain et les devises
    On sait qui arrive à bon port
    
    ça tourne pas rond dans l'hexagone
    Ailleurs c'est pas vraiment plus cool
    À croire qu'la raison est aphone,
    que le monde a perdu la boule 
    (t'as compris)(la boule)
    
    En avril, autour d'une table
    La gauche a fait une réunion
    Enfin une gauche un peu bancale
    Sans poutou et sans mélanchon
    ça s'dispute et ça débat fort
    ça braille, ça mugit et ça gueule
    Olivier Faure s'est mis d'accord
    Mais il s'est mis d'accord tout seul
    
    Quand vient le joli moi de mai
    Le temps des commémorations
    Quelques gauchistes avinés
    Se souviennent d'une révolution
    C'est qu'il y en eut peu de la sorte
    Victorieuse même si vaincu
    Non non la commune n'est pas morte
    C'est comme si ielles l'avaient vécu
    
    Un scandale éclate en juin
    Car pour les prochaines élections
    Les promesses de foi, en chemin
    Se sont perdu, c'est un peu con
    Privatiser la vie publique
    C'est un échec et puis surtout
    C'est un déni d'démocratie
    D'un autre côté, tout l'monde s'en fout
    
    ça tourne pas rond dans l'hexagone
    La tête au carré même au cube
    Pour faire basculer la couronne
    Y a ptet un tuto sur YouTube
    (j'vais r'garder)
    
    
    Il est mis en place en juillet
    Le fameux passe sanitaire
    Je vais p'tet changé de couplet
    Pour éviter quelques galères
    Oui comme c'est tendu comme sujet
    Je synthétise ma position
    J'aime pas voir le débat mener
    Par ceux qui détournent l'attention
    
    En aout il s'envole dans l'espace
    Qui ? L'avenir du genre humain
    Cui qui va terraformer mars
    Parce que franch'ment sur terre ça craint
    Alors loin de ces prises de bec 
    Elon Musk prend de la hauteur
    Pour survoler l'rapport du GIEC
    On est mieux en apesanteur
    
    En septembre, là c'est un coup dur
    Nos beaux sous-marins nucléaires
    Qu'on avait d'ja vendu c'est sur
    En fait c'était ptet pas si clair
    J'écris ça pour faire un couplet
    Car j'avoue, j'ai pas tout compris
    D'ailleurs si on peut m'expliquer
    Vous m'retrouverez à la sortie
    
    ça tourne pas rond dans l'hexagone
    Et ça désaxe les diagonales
    Et le roi des cons sur son trône
    On va l'rendre équilatérale
    
    Fini l'évasion en octobre
    C'est des milliards qui sont r'trouvés
    On ouvre la boite de Pandore
    Les riches ne peuvent plus se planquer
    Mais comme c'est à eux qu'appartiennent
    La plupart des groupes de médias
    On en parl'ra moins d'une semaine
    Comme des Lux leaks ou d'Panama
    
    Et en novembre encore un drame
    27 migrants se sont noyés
    Les gardes-frontières se dédouanent
    Tout ça, c'est la faute aux Anglais (aux français) (aux anglais)
    Comme il a la pensée complexe
    Afin d'éviter les naufrages
    Macron donne du fric à Frontex
    Qui c'est qu'a dit faut faire barrage
    
    En décembre c'est l'apothéose
    D'une année pleine de fracas
    Sur du Bethoven c'est grandiose
    Zemmour se déclare candidat
    Oui, mais il faut garder l'espoir
    Penser à ce qui nous f'rait du bien
    Tenez-moi j'pense que des ce soir
    J'pars au chili par l'premier train
    
    ça tourne pas rond dans l'hexagone
    Gouverné par le roi Céon
    Mais comme le disait Antigone
    Non
    
    
    
    
    
    
    
  • 28. La Lucarne

    28. La Lucarne

     

    À Marion qui m’a appris que j’avais un trou, là, au milieu. Enfin pas un trou, plutôt un nœud

    À Louise qui m’a appris qu’il fallait faire gaffe, parce que parfois, délier, dénouer, ça pouvait être définitif.

    Et puis à mon frère aussi un peu, parce qu’il est pas bien épais et que je suis sûr que Louise et Marion seront d’accord pour lui faire un peu de place dans cette dédicace.

    Christian dit : « J’écris pour trouver ce que je pense ». En fait, c’est Marion qui dit ça. Elle dit aussi : « Quand on écrit, quand on chante, il faut, par honnêteté, laisser entrer de la lumière. Quand on écrit, il faut trouver des lucarnes ». Mais en fait, c’est Jehan qui dit ça.

    Baptiste serre un peu les dents, serre un peu sa clope, il a un peu froid. Hervé vient de poser sa quatrième lucarne, et Coskun, son chapeau dans la rue. Il accorde sa guitare, même s’il sait que l’accordage, c’est bourgeois. Kevin tend le bras pour réclamer la passe, il est dégagé. Ibra vient de sortir de C.R.A grâce à la mobilisation des camarades, et Baptiste serre peu un les dents, serre un peu son stylo, parce qu’il a un peu froid. Mais à la terrasse du café, il apprend que le Vatican mesure quarante-quatre kilomètres carrés, et il se demande ce que ça fait, en superficie quarante-quatre kilomètres carrés.

    Hervé a encore deux lucarnes a installer avant de finir sa journée et Kevin n’a pas reçu la passe alors que merde, il était dégagé, t’as pas vu ou quoi. Léa rentre dans le parc de jeu parce qu’elle a envie d’essayer la balançoire, celle qui fait un peu peur parce qu’elle peut monter très haut. Coskun a fini d’accorder sa guitare et il commence à égrainer le thème de Caesar Swing, parce que même si le jazz manouche c’est pas bourgeois, ça plaît aux bourgeois, et c’est important de plaire aux bourgeois quand on veut remplir son chapeau. Marion dit qu’il y un trou là au milieu, et Baptiste a un peu froid. Madame Ottenheimer fête ses quatre-vingt-neuf ans dans son quatre-vingt-neuf mètres carré, et se demande si on peut mesurer la valeur des années à la surface qu’elles occupent. Ibra vient boire un coup au bar avec les camarades et s’étonne un peu qu’autant de gens soient au courant. Kevin réussit une reprise de volée en visant bien la lucarne, mais il la manque. Baptiste cherche un sujet sur lequel il pourrait écrire. Baptiste écrit pour trouver ce qu’il pense, mais il n’y arrive pas toujours. C’est pour ça qu’il n’aime pas qu’on lui demande à quoi il pense parce qu’il ne sait pas toujours. Il va fermer la fenêtre parce qu’il a un peu froid dans son trente-quatre mètres carré.

    Hervé sent que ça tire en bas du dos alors qu’il a presque fini la cinquième lucarne. Il ne veut pas y penser, il croit dur comme fer à la volonté de l’esprit sur le corps, c’est bien connu ça tient tant que le mental tient. Kevin aussi croit en son mental, sauf quand son mental lui fait défaut. Hervé et Sylvie ne se sont pas parlé depuis presque quatre ans, et personne ne sait pourquoi. Quand on lui demande, Sylvie hausse les épaules. Marion dit qu’elle n’a pas d’ailes. Et que Lalla, ça veut dire grand-mère, mais aussi madame, en darija, surtout pour dire d’une meuf qu’elle est grave stylé, enfin respect tu vois, mais en fait c’est Ibra qui dit ça. Kevin commence a s’énerver un peu, le souffle court, et la mi-temps qui arrive à grands pas, putain de merde, mais c’est pas une défense qu’ils ont, ces mecs-là, c’est un putain de mur de Berlin, infranchissable, et tout. Dans son quatre-vingt-neuf mètres carré, Mme Ottenheimer se rappelle de ses jeunes années en Autriche, à une époque ou des murs ont en construisait pas mal. Mais maintenant, elle déballe le cadeau de sa petite fille.

    Baptiste imagine l’histoire d’un type qui donnerait ses cours de piano dans les gares, tu sais sur les pianos publics là. C’est pas vraiment une histoire, en plus ça doit probablement exister en vrai. Un gars qui ferait ça, comme un musicien de rue, genre demi-heure de cours au chapeau. Peut-être même qu’en fin de journée, il pourrait se retrouver avec Coskun. Marion dit de ne pas regardez en bas, mais en fait c’est sa prof qui dit ça. Léa est montée très très haut avec la balançoire, de là, elle peut voir tout le square, et c’est drôlement agréable de voir tout d’en haut, sûrement que ça va lui donné de l’ambition.

    Baptiste a rangé son ambition avec son stylo et il a décidé de sortir faire un tour. Il a un peu peur que, depuis qu’il ne boit plus que de l’eau, sa langue ait rouillé. Coskun tape le bœuf avec le prof de piano, et Hervé sent que son moral d’acier va chavirer bientôt parce qu’il ne sait pas pourquoi il repense à Sylvie. Il ne faut penser ni à Sylvie ni à son mal de dos. Baptiste marche dans la rue et croise Coskun qui joue maintenant la partida. Baptiste l’écoute un peu, mais il n’a pas de pièce dans sa poche, pour avoir des pièces faudrait qu’il se décide à faire des choses qui en rapportent, comme des cours de piano. Mme Ottenheimer a ouvert son cadeau, c’est une basse, toute rouge, avec ses quatre cordes. Mme Ottenheimer est ravie, parce qu’après avoir enseigner le piano classique pendant près de cinquante-cinq ans, elle a décidé de se mettre à la basse funk, parce que ça groove et que ça a pétillé dans les yeux de sa petite fille quand elle lui a parlé de ça. Groover, elle ne sait pas ce que c’est, mais pétiller oui. Et si elle a bien compris, c’est un peu pareil.

    Baptiste a un peu froid, il serre sa clope, et il voit le terrain de foot. Kevin demande à nouveau la passe, il est démarqué, mais geste agressif de la défense, il tombe. Baptiste se fout du foot. Il fait tout de même le calcul rapidement, et en gros le Vatican, c’est 62 terrains de foot. C’est grand quand même soixante-deux terrains de foot. Ça le ferait chier d’être pape, avec soixante-deux terrains de foot à s’occuper. Cela dit, vu comme c’est vieux un pape, c’est normal qu’il y ait beaucoup d’espace autour.

    Coskun apprend a Hervé qui vient de finir sa journée que Coskun, ça veut dire enthousiaste, et Hervé en a rien à foutre, mais comme il pense à ne pas penser à Sylvie, ça l’arrange d’apprendre des choses dont il se fout. Ibra souffle un peu, demain ce sera comme hier, et après demain pareil, toujours un peu la boule au ventre, mais au moins aujourd’hui il est sorti alors il a le droit de souffler.

    Baptiste marche encore un peu, et il imagine une vieille dame en train d’apprendre la basse funk, ça aussi ce serait drôle, mais si ça se trouve ça aussi ça existe déjà, de toute façon, qu’est-ce qu’on peut vraiment inventer. Rien. Kevin est vener, super vener, c’était clairement une faute intentionnelle, putain d’arbitre, il a mal à la cheville, mais ça va tenir, ça doit tenir. Hervé pense à sa sixième lucarne. Il l’a bâclé un peu parce que Sylvie lui pesait sur le bas du dos. Mais bon, elle va tenir. Elle doit tenir. Madame Ottenheimer groove, et ça pétille dans son quatre-vingts mètres carré, ça ouvre encore plus d’espace, et encore plus de temps. Ça fait des bulles de souvenirs tout pleins son appartement. Avec pas mal de murs. Qu’elle voit se fracasser, à grand coup de pierres, de peinture ou de kick bien au fond, bien en place.

    Ou alors un cheminot qui tapoterait le flan de chaque train avant son départ, comme une superstition. L’image est marrante. Baptiste pense au train, et il pense à son frère Il faudrait plutôt qu’il appelle son frère qui est parti loin. Oui, mais demain. Marion dit : la poésie, c’est un combat, sinon ça ne m’intéresse pas. Léa d’un coup, a un grand vertige. Et si elle s’envolait si haut qu’elle ne pourrait plus jamais redescendre ? Comme un ballon dont on aurait lâché la ficelle. Ibra souffle, un peu d’air, enfin, c’est étouffant la tôle, c’est étouffant comme ils réussissent à te mettre une prison dans la tête simplement en te promettant la prison. Mais là, il n’y a pas de prison, il y a quatre murs qui tiennent chaud, et qui lui ouvrent de la place et des bras. Madame Ottenheimer a compris le truc avec la basse. C’est pas plus con qu’autre chose, quand on a compris le truc. Mais ce qu’elle aimerait bien maintenant, c’est tapé le bœuf avec d’autres musiciens.

    Coskun est rentrée dans le café, et parce qu’il connaît bien son métier, pour Ibra, et pour le prof de piano, et pour Marion, pour madame Ottenheimer et pour le pape en personne, qui doit se faire chier dans son 44 millions de mètres carrés , il a chanté les clash, i fought the law and law won. Des fois il ne reste qu’à chanter les clash.

    Baptiste déambule, il a un peu froid, il en a un peu marre, il ne va pas écrire aujourd’hui. De toute façon, écrire quoi ? Louise lui a bien dit, à remettre tout en question, toutes les passions des autres, tout ce qui fait en fait que les gens se lèvent le matin, à ne pas reconnaître que ça puisse exister, ça peut être définitif. Parce qu’il a un peu peur, ce soit définitif, il s’invente un caillou au milieu de la route. C’est rare un caillou, surtout en ville.

    Alors il shoote.

     

    En plein dans la lucarne.

  • 27. Copacabana

    27. Copacabana

    Elle s'habille toujours en dimanche 
    Quand elle sent bien qu'on est lundi
    Elle trébuche, mais raccroche aux branches
    Quand elle attaque le jeudi
    
    Elle a la semaine qui passe
    
    Pour s'faire du bien à l'existence
    Quand ça tremble trop, elle se dit
    Que si la vie n'a aucun sens
    Ce n'est pas un sens interdit
    
    Manqu'rait plus que ce soit une impasse
    
    Et va savoir pourquoi
    Elle pense à Copacabana
    C'est peut-être un jour de carnaval
    
    Elle y a jamais été
    Mais c'est quelque part en été
    ça existe et c'est pas si mal
    
    Quand le matin c'est métro
    Mais trop tard pour le rattraper 
    Elle sait qu'elle sèch'ra le boulot
    Mais y a pas de quoi se frapper
    
    Il faut bien veiller ses blessures
    
    Pour pas brûler par les deux bouts
    Alors elle imagine sans peine
    Des trompettistes pleins de bajoues
    Qui lui jouent des airs la bouche pleine
    
    Elle y pense et ça la rassure
    
    Pour surprendre l'essentiel
    Elle se dit Bonjour Monde Cruel
    Comment tu te sens aujourd'hui ?
    
    T'as l'air un peu hargneux
    Un peu chagrin et grincheux
    Comme tu vois moi ça va bien merci
    
    
    Parfois quand le soir devient lourd
    Elle se réfugie à l'excès
    Dans une ivresse de velours
    Avec un certain succès
    
    ça nourrit ses rêveries quotidiennes
    
    Et quand ça cesse d'être drôle
    Quand elle a l'esquisse esquintée
    Elle sait qu'il y aura des épaules
    Qu'elle pourra toujours emprunter
    
    Des promesses de caresse diluviennes
    
    Et va savoir pourquoi 
    Elle fredonne Copacabana
    ça se chante, et ça c'est pas si mal
    
    On va pas s'pourrir l'existence
    Même qu'Avec un peu de chance
    Aujourd'hui, là-bas c'est carnaval
    
    Pour pas sombrer dans la détresse
    Elle se plonge dans l'euphorie
    Et s'il y a pas mal de tristesse
    C'est qu'il y a de la joie aussi
    
    La vie a toujours deux profils
    
    Elle s'habille toujours en dimanche 
    Quand elle sent bien qu'on est lundi
    ça lui colorie les nuits blanches
    Et puis elle trouve ça joli
    
    Il faut bien faire face quand ça tombe pile
    
    Pour surprendre l'essentiel
    Elle se dit Bonjour Monde Cruel
    Comment tu te sens aujourd'hui ?
    
    T'as l'air un peu hargneux
    Un peu chagrin et grincheux
    Comme tu vois moi ça va bien merci
    
    
    
  • 26. L’Amour est une région bien intéressante

    26. L’Amour est une région bien intéressante

    à Elsa

    Elle m’as tendu un bouquin tout noir, tout court, comme le café qu’on était en train de boire. Ça allait me plaire, c’était sûr, c’était vraiment un truc pour moi, et puis, on ne croirait pas comme ça, mais c’était drôle, enfin drôle comme un docteur russe en voyage au dix-neuvième siècle. Pas hilarant, mais drôle tu vois, un peu ton genre. Ça s’appelait « L’Amour est une région bien intéressante » et c’était la correspondance d’Anton Tchekov lors de son voyage sur l’île Sakhaline en avril 1890. Et donc apparemment, c’était fait pour moi, c’était noir, court et sucré comme le café, et ça me ferait voyager aussi sûrement que nos retrouvailles.

    Nos retrouvailles avec Jeanne, c’était toujours l’occasion de convoquer la grande famille des absents et des lointains. Alors sans faire de distinction elle convoquait les grands écrivains, les artistes qu’elle aimait et qui étaient pour la plupart mort depuis longtemps, mais aussi tous les potes de la fac, les perdus de vue, ceux que je me suis promis de rappeler sans faute aujourd’hui et ça fait déjà bien quatre ou cinq mois. Je n’ai jamais eu le courage de Jeanne pour entretenir des relations longue distance. Disons que j’ai l’amitié en circuit court et la littérature plutôt contemporaine.Mais elle, elle a les yeux là où elle a le cœur, alors la distance ou la durée, ça ne lui fait pas peur. Brel disait : il y en a qui ont le cœur si vaste qu’ils sont toujours en voyage. Il a dû rencontrer Jeanne.

    Alors devant le café, je m’ouvre au lointain. J’écoute Jeanne me dire que Tchaïkovski aimait Shakespeare. À tel point que ses dernières volontés furent de jouer dans Hamlet dans le rôle du crâne. Hélas pauvre Yorrick ! Je l’ai bien connu Horatio. J’ai aussi bien connu Pierre qui en ce moment crève d’amour pour les beaux yeux de Clémence qui entre-temps est devenu Clément, et ça ne change rien pour Pierre, mais ça change tout pour Clément, et donc tu comprends, c’est beau. Mais comme tout ce qui est beau, c’est un peu compliqué.

    Léger point de dissension dans la conversation, parenthèse pour exprimer mon désaccord, parce que c’est vrai, des fois, c’est beau quand c’est simple, non ? Mais mes objections n’entrave pas la bonne marche de la grande parade, et j’apprends que, d’après elle, Garcia Marquez avait raison à propos de l’amour, que c’était un peu comme le choléra, quand ça te prenait, ça te rendait tremblant fiévreux et ça te filait la chiasse

    Je ne reconnaîtrais plus Justine, paraît-il. Elle avait abandonné en premières années de master pour faire junkie à plein temps, une vocation de spectre plus cholérique qu’amoureuse à mon avis, et elle errait de coloc en coloc. On l’hébergeait à tour de rôle pour dépanner, pour ne pas la laisser tomber. Mais comme souvent dans ce genre de chute, à un moment, tu lâches pour ne pas tomber avec. Enfin, je ne sais pas, c’est peut-être moi, le lâche. En tout cas, elle s’en est sortie, elle vit maintenant en communauté où on pratique l’amour libre et la sobriété heureuse, mais j’évite de demander ce qui est le plus antinomique des deux. Jeanne n’aime pas les sarcasmes, sauf chez les Russes du XIXe siècle, qui ont le droit parce qu’ils ont l’âme slave, et le corps six pieds sous terre.

    Marc et Juliette ont eu leur troisième gamin, Kevin s’est lancé dans une traversée de la France en solitaire et Tchekhov se bourre la gueule avec des paysans sibériens. Sylvain commencera bientôt un nouveau boulot et il appréhende parce qu’il a couché avec sa patronne, mais ce n’est pas bien sérieux. En tout cas c’est ce qu’elle pense. Elle pense aussi que Boulgakov était sûrement très amoureux de Marguerite, parce que sinon, il ne l’aurait pas écrit comme ça. Gaël vit une histoire passionnelle et passionnante avec quelqu’un que personne n’a jamais vu, puisqu’ils ont décidé de ne s’aimer qu’en voyage, et chaque fois dans un pays différent. Ce mystère lui donne un peu d’épaisseur, mais Jeanne s’interroge, l’amour peut il s’affranchir d’un quotidien ?

    Et moi je tangue, et je me laisse bercé par ces noms, ces dates, ces nouvelles plus ou moins anciennes, quand soudain je remarque une main posée sur l’épaule de Jeanne. Une main qui n’appartient ni à Tchekov ni à un autre pote du lycée. Elle appartient à un grand type brun, avec un sourire qui ferait pâlir une pub de dentifrice. Puis le sourire embrasse Jeanne et me tend son autre main que je saisis un peu machinalement. Et je me rends compte que si Jeanne me raconte toutes les histoires du monde, je ne sais finalement rien de la sienne.

    J’imaginais que Jeanne vivait entre le silence des bibliothèques et le fracas des routes, un œil sur une page et l’autre sur l’horizon, et je ne peux m’empêcher de m’étonner que le premier sourire venu puisse poser la main sur son épaule.

    J’apprends que le sourire à un prénom, fort banal, et inintéressant, je m’empresse donc de l’oublier. Mais la convenance me pousse à leur demander les circonstances de leur rencontre, et là, c’est drôle, je vais rire, ils se sont rencontrés en se heurtant dans la rue, parce que chacun était tête baissée en train de lire en marchant, alors forcément ça fait des sujets de conversation. Il lisait Tous les noms de Saramango et elle le Siddhartha de Hermann Hesse. Ils s’étaient heurtés, avaient souri de la situation, avaient échangé trois mots qui étaient vite devenus 1800 pages, ils avaient défendu leurs bouquins respectifs avec force et véhémence, et finalement c’est comme ça qu’une histoire commence. Moi à ce moment là de leur rencontre, je lisais probablement le dos de ma boite de céréale, ce qui aide moins à rencontrer des gens dans la rue, mais sert à découvrir l’existence de l’acide ascorbique, qui n’est rien d’autre que de la vitamine C, et c’était un peu décevant même si ça rehausse le goût des céréales. C’est bien pour ça que je ne lis pas tellement .

    Le sourire au prénom banal ne sait probablement pas ce qu’est l’acide ascorbique, mais il en connaît un rayon lui aussi sur Tchekov, Shakespeare et Louis, qui arrivait toujours en retard en cours, mais qui maintenant travaille pour le bureau international des poids et mesure, à l’entretien de l’horloge atomique, ce qui est drôlement pratique quand on veut avoir l’heure. D’ailleurs, en parlant d’heure, je ne vais probablement pas tarder, je ne voudrais pas vous déranger, ah je ne vous dérange pas, bon très bien, reprenons un café alors, tu me raconteras comment Louis s’est retrouvé à faire l’horloger atomique, sûrement pour rendre fier son père qui vendait des chaussures de luxe, bien que le rapport entre les deux ne soit pas d’emblée évident.

    Le sourire se crispe un peu, il aurait eu envie d’y aller, d’accord un café, mais on ne tarde pas trop, tu te rappelles, on va manger chez ma mère ce soir, et j’éprouve une joie secrète quand Jeanne hèle le serveur entre deux phrases sur l’utilisation du paragraphe chez Flaubert, qui était son sujet de thèse, parce qu’il y a de quoi écrire des thèses sur l’utilisation du paragraphe chez Flaubert. Et je me demande, si j’avais moi aussi fait une thèse, sur le sarcasme russe du XIXe siècle, par exemple, est ce que ça aurait changé quelque chose ?  Est-ce que j’aurais vécu autrement qu’en essayant d’échapper à la vie, même si on ne peut jamais vraiment, ou alors c’est le suicide, mais ça nous renverrait encore aux Russes ou à Shakespeare, qui avait l’âme slave même si c’était pas encore à la mode. Pis soyons honnête Hamlet, c’est con comme la mort, il y a que les Russes pour écrire des trucs où l’on préfère la vengeance du père à l’amour d’Ophélie. Et sûr que ça fait des grandes tragédies, mais au fond, c’est comme l’acide ascorbique, Hamlet, rien d’autre que de la vitamine C.

    Le sourire crispé a des gestes de tendresses, et ça m’agace un peu. Je ne suis pas jaloux, pas comme Eliott, tu te rappelles, qui avait alpagué l’officiel de son amante de l’époque pour lui casser la gueule, un jour qu’il était en proie avec le monstre aux yeux verts, et qui a fini par faire sa vie avec lui. Avec l’officiel, pas avec la jalousie. Comme quoi, il y a parfois des sources d’étonnement, et heureusement sinon on finirait tous par devenir russe. Non, je ne suis pas jaloux, mais je n’aime pas qu’on me malmène l’espoir en public, c’est humain non ?

    Il est pourtant sympa, ce sourire. Il essaye même de s’intéresser. Alors quand il me demande, poliment « Et toi qu’est-ce que tu fais en ce moment? », je m’extirpe doucement de l’agréable torpeur, je chasse de ma tête la litanie de tous ces noms et je m’entends répondre qu’en ce moment, j’essaye d’écrire un livre. Toi, un livre ? Réponds Jeanne. Oui moi, un livre. Après tout y a de quoi faire, et je suis complètement d’accord avec Tchekhov. C’est vrai que l’amour est une région bien intéressante.

  • 25. Amoureux d’une seconde

    25. Amoureux d’une seconde

     
    Naître un peu plus chaque jour
    
    Pour enfin venir au monde
    
    - Il prenait sa vie à rebours
    
    L'amoureux d'une seconde
    
    
    
    
    Pour enfin venir au monde
    
    Prendre une grande respiration
    
    - L'amoureux d'une seconde
    
    D'une' seconde d'inattention
    
    
    
    
    Prendre une grande respiration
    
    Sentir son regard éclore
    
    - D'une seconde d'inattention
    
    Douce indolence indolore
    
    
    
    
    Sentir son regard éclore
    
    Et puis mordre à pleine dent
    
    - Douce indolence indolore
    
    Il s'oublia un instant
    
    
    
    
    Et puis mordre à pleine dent
    
    Avoir la lèvre qui sourit
    
    - Il s'oublia un instant
    
    D'un coup se redécouvrit
    
    
    
    
    Avoir la lèvre qui sourit
    
    Du tout début d'un poème
    
    - D'un coup se redécouvrit
    
    Comme pour un second Baptême
    
    
    
    
    Du tout début d'un poème
    
    Jusqu'à la langueur et la liesse
    
    - Comme pour un second Baptême
    
    Il se fit cette promesse
    
    
    
    
    
    
    
    Jusqu'à la langueur et la liesse
    
    Prendre les choses à rebours
    
    Il se fit cette promesse
    
    Naitre un peu plus chaque jour
    
  • 18. Les amours neuves

    18. Les amours neuves

    On sent quand on se déshabille
    qu'on est empreint de maladresse
    On a la caresses malhabile
    Qu'on voudrait pleine de tendresse
    
    On fait du zèle en s'embrassant
    On sait bien qu'il faut qu'on se montre
    Mais c'est un peu embarrassant
    Maint'nant que nos corps se rencontrent
    
    On sait pas trop où mettre ses mains
    Si j'effleure là, ça te chatouille  
    Pourquoi est ce qu'il bave sur mes seins ?
    Pardon mais tu m'écrases les couilles
    
    On n'peux pas dire qu'on manque d'aplomb
    Plein d'une ardeur à toute épreuve
    On a quand même l'air un peu con
    En éprouvant nos amours neuves
    
    Toujours il y a un bras en trop
    Dans cette drôle de gymnastique
    C'est pas que je veuille être manchot
    Mais ce s'rait quand même plus pratique
    
    On cherche en vain notre alchimie
    On pousse des soupir langoureux
    On s'donne un cours d'anatomie
    un peu gênant mais savoureux
    
    On aimerait faire comme au cinoche
    Faire l'amour et faire des envieux
    Oui sauf que là, c'est une peu moche
    C'est quoi cette position sérieux
    
    On se rêv'rait  Alain Delon
    Bardot, Belmondo ou Deneuve
    Oui mais on a  l'air un peu con
    En éprouvant nos amours neuves
    
    On s'étonne d'la situation
    Et de nos pudeurs de gazelle
    ça m'fait penser à Mélenchon
    Essaye d'être plus sensuel
    
    Alors on essaye les mots doux
    Histoire de ranimer la flamme
    ô toi ma reine, ô toi mon loup
    Ma six fois sept, mon macadam
    
    Et on raconte n'importe quoi
    Maint'nant qu'on  a le cœur à la fête
    Je lâche : t'es mon Conémera
    Et Merde ! J'ai Sardou dans la tête
    
    C'est vrai que c'est un peu brouillon
    Mais on corrig'ra les épreuves
    Pas grave d'avoir l'air un peu con
    En éprouvant nos amours neuves
    
    Notre enthousiasme nous déborde
    on veut d'la réjouissance grivoise
    Du temps pour que nos cœurs s'accordent
    Et pour que nos corps s'apprivoisent
    
    Aux amants extraordinaire
    Qui veulent surtout que ça se sache
    Je vous dédie ces quelques vers 
    Gardez vot' suffisance potache
    
    Car vous ne m'ferez jamais croire
    Que tout est simple, qu'jamais ça tangue
    Dans aucune de vos histoires
    Mais je suis sans doute mauvaise langue
    
    En attendant, j'fait une chanson
    Sur l'oreiller, les idées pleuvent
    Je me chante un air à la con
    Car j'les aime bien nos amours neuves
  • 17. En t’oubliant

    17. En t’oubliant

      
    En t'oubliant, je me souviens
    En t'oubliant, je me souviens
    D'la glycine au printemps qui sort ces premières fleurs
    Des bourgeons tout tremblants qui exhalent ton odeur
    Respirant leur parfum, je me mets à songer
    À songer qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier
    
    En t'oubliant, je me souviens
    En t'oubliant, je me souviens
    De ces croquis dormant dans les taches de peinture
    Des visages grimaçants graffités sur les murs
    Une esquisse au fusain me fait me rappeler
    Me rappeler qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier
    
    En t'oubliant, je me souviens
    En t'oubliant, je me souviens
    Tes lèvres sifflotant ce qui trottait dans ta tête 
    Des rythmes à contre temps certains soirs de goguette
    En chantant ce refrain qui reste inachevé
    J'me souviens qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier
    
    En t'oubliant, je me souviens
    En t'oubliant, je me souviens
    Du piquant du piment, de la fleur de muscade
    Et du goût du safran dans la moindre salade 
    Buvant un verre de vin que j'aim'rais épicé
    J'me souviens qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier
    
    
    En t'oubliant, je me souviens
    En t'oubliant, je me souviens
    D'un geste consolant, du vestige d'une étreinte
    J'ai comme un serrement quand je ressens l'empreinte
    D'une épaule retenant toutes les larmes versées 
    J'me souviens qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier
    
    En t'oubliant, je me souviens
    En t'oubliant, je me souviens
    D'un parfum entêtant, de certaines saveurs
    D'un air pas très chantant, d'un dessin plein d'ardeur 
    Je m'en rappelle bien, et pourtant je le sais
    Je sais qu'il est grand temps mais j'oublie d'oublier ...
    
  • 16. La gueulante

    16. La gueulante

    
    Allez j'm'en va nous dit Monsieur
    
    Chaque soir avant la fermeture
    
    Sur le trottoir d'vant la devanture
    
    Du bar de l'avenue Montesquieu
    
    
    
    
    Sa main a un peu la tremblante
    
    Mais y paye sans r 'chigner l'ardoise
    
    Mets son chapeau à l'iroquoise
    
    Pis tous les soirs pousse sa gueulante
    
    
    
    
    Y en a marre des marabouts
    
    Qui nous tiennent par des bouts d'ficelle
    
    Y en a marre des ceusses à g'noux
    
    Y en a marre des genoux trop frêles
    
    
    
    
    Marre de la grêle qui nous gronde
    
    Marre des ondes dedans nos têtes
    
    Marre des étoiles au micro-ondes
    
    Marre de l'ondée dessus nos fêtes
    
    
    
    
    Si c'est comme ça moi je m'arrache
    
    J'reviendrais plus bandes d'apache
    
    À vouloir trop vous préserver
    
    Z'allez finir par m'énerver
    
    
    
    
    Monsieur nous dit Allez, j’m'en va
    
    Chaque soir pendant la fermeture
    
    Et puis il s'adosse contre le mur
    
    Pour que le mur reste bien droit
    
    
    
    
    La cigarette virulente
    
    Et puis la colère au poing
    
    Il cognait fort chez les voisins
    
    Pour leur chanter sa p'tite gueulante
    
    
    
    
    Y en a marre des marabouts
    
    Y en a marre des rabougris
    
    Marre du gris dans le ragout
    
    Y en a marre des gouts aigris
    
    
    
    
    Marre des écrits au cognac
    
    Marre d'l'ammoniac dans le café
    
    Marre des fées tout feu tout trac
    
    Marre des accidents de mafé
    
    
    
    
    Si c'est comme ça moi je m'arrache
    
    J'reviendrais plus bandes d'apache
    
    À vouloir trop vous préserver
    
    Z'allez finir par m'énerver
    
    
    
    
    Mais un jour on a vu monsieur
    
    Nous dire j'm'en va, et s'en aller,
    
    ça nous a fait un drôle d'effet
    
    D'un coup c'est dev'nu silencieux
    
    
    
    
    Puis il est r'venu d'entre les morts
    
    En disant c'est marre je reste un peu
    
    Laissez-moi une minute ou deux
    
    Juste pour pouvoir gueuler encore
    
    
    
    
    Y en marre des marabouts
    
    Et d'vos économies d'chandelles
    
    Faut la bruler par les debout
    
    C'est debout que la flamme est belle
    
    
    
    
    Y en a marre des amarantes
    
    Et des amantes à l'oeil moqueur
    
    Marre des hauteurs de la tourmente
    
    Et marre des essoufflés du coeur
    
    
    
    
    Marre du cœur entre deux chaises
    
    Marre des chaises de bureaucrate
    
    Y en a marre des catachrèses
    
    Des encrisées en cravate
    
    
    
    
    Marre de tout les va t'en guerre
    
    Marre des gens exaspérés
    
    Y en a marre d'être en colère
    
    Marre d'vous entendre soupirer
    
    
    
    
    Et sans adieu, et sans une tache
    
    Il partira l'dernier apache
    
    Alors m'parle pas d'me préserver
    
    Tu finirais par m’énerver
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
  • 15. Carpe Diem, mon cul !

    15. Carpe Diem, mon cul !

     
    Sûr que ça a de l'élégance
    Sûr que parfois ça explique l'heure
    Sûr que la joyeuse indolence
    Vaut mieux, bien sûr, que pas d'bonheur
    
    Sur qu'on ne sait pas tout sur tout
    Sur qu'y a des trucs qui nous échappent
    Sûr que qu'on est à genou
    Ça aide d'avoir une soupape
    
    Oui, mais voilà
    J'aime pas qu'on ouvre mes chakras au pied d'biches
    Ou qu'on découvre tout mon intime en friche
    J'aime pas qu'on m'gave 
    Jusqu'à plus faim d'accord toltèque
    Je sens qu'on m'traite d'épave
    jusqu'à ce que j'sorte le carnet d'cheque
    
    Moi je préfère Taggué
    Carpe diem mon cul
    Les vainqueurs font payer
    Leur bonheur aux vaincus
    
    Sûr que ça a l'air scientifique
    Sûr qu'ils sont beaux tout leur tableur
    Sûr qu'une organisation pratique
    c'est très bon pour les travailleurs
    
    Sûr que c'est mieux l'esprit ouvert
    Sûr que c'est beau les mots nouveaux
    Sûr qu'il y a jamais de frontière
    Pour optimiser ton boulot
    
    Oui, mais voilà
    J'aime pas l'manège 
    du manageur qui ment
    J'aime pas les cartes privilège 
    qui mènent à l'enfermement
    
    J'aime pas qu'on veuille m'accomplir
    jusqu'à ce que je sois cadenassé
    Je n'aime surtout pas leur sourire
    que je trouve bien trop carnassier
    
    Moi je préfère Taggué
    Carpe diem mon cul
    Les vainqueurs font payer
    Leur bonheur aux vaincus
    
    Sûr que ça fait bien dans l'discours
    Sûr qu'on aspire à la même chose
    Sûr que le bonheur est bien court
    Alors faut voir la vie en rose
    
    Sûr que c'est plus agréable
    De n'plus être c'ui qui fais la gueule
    Sur que ça fait plus présentable
    Un mort qui sourit dans l'cercueil
    
    Oui, mais voilà
    J'aime pas qu'on m'empêche 
    D'user de mes teintes pastel
    Jaime pas les prêches
    Et les dogmes du développement personnel
    
    J'aime pas les injonctions
    à devenir à tout prix heureux
    J'aurais de la satisfaction
    Quand on fera fondre à l'acide
    Cette fausse idée d'avenir radieux
    
    IL est grand temps d'changer
    Tous ces carpe diem qui m'écoeurent
    Il est temps que les vaincus fassent payer
    Leur bonheur aux vainqueur
    
    
  • 14. A l’abri du succès

    14. A l’abri du succès

    Un sacré brouhaha, un vacarme un chahut
    la gauche autour d'une table ça y est ça devient tendu
    Jaddot invité tout l'monde enfin tout l'monde sauf Mélenchon
    Il est toujours relou, toujours râleur toujours ronchon 
    
    Ils rêvent tous d'une gauche unie
    Mais comme j'sais pus qui disait
    À vouloir mettre tout à l'Ego,
    ça finit en bourbier
    
    Olivier s'la ramène, il fait de plus en plus fort
    « Une candidature unique tout le monde s'est mis d'accord »
    Julien Bayou tempère « Olivier à une grande gueule
    Certes il s'est mis d'accord, mais il s'est mis d'accord tout seul »
    
    
    Ils rêvent tous d'une gauche unie
    Mais comme j'sais pus qui disait
    Est qu'on a des nouvelles de Hulot ?
    Il passe bien en télé
    
    Hamon prend la parole et se perd dans une périphrase
    « Allons debout les morts du passé faisons table rase »
    Johanna Rolland persifle doucement
    « Vaut mieux tout oublier quand on a fait six pour cent »
    
    Quand j'vois Benoit, ça me rend triste
    Il s'voyait d'ja en haut d'l'affiche
    Trahie par  les siens, c'est normal
    Quand tu rentres chez les socialistes
    
    Ils rêvent tous d'une gauche unie
    Mais comme j'sais pus qui disait
    Tu va voir qu'ils vont mettre Hidalgo
    Aubry va adorer
    
    Ça se déchire sur le voile, en très bof en très bref
    Delga un peu bourré menace d'aller à l'UNEF
    Ça examine tout ça quasiment au microscope
    C'est qu'il faut ce qu'il pour ne pas parler d'Europe
    
    
    Ils rêvent tous d'une gauche unie
    Mais comme j'sais pus qui disait
    Avec trois ou quatre couteaux dans l'dos
    C'est plus dur de gagner
    
    À la fin d'la journée, il n’y a aucun consensus
    Il y avait quatre grands courants, maintenant y en a quinze de plus
    À cette photo d'famille, il manque encore l'oncle raciste
    Voilà que dans l'lointain on aperçoit Valls qui rapplique
    
    Ils rêvent tous d'une gauche unie
    Mais comme j'sais pus qui disait
    Ce n'est pas comme si on risquait gros
    On est à l'abri du succès
    
    

  • 13. Captain ACAB

    13. Captain ACAB

      
    Il a sorti son K-way noir
    Il sent qu'il va bientôt pleuvoir
    Des lacrymos et puis des coups
    Il est toujours très pragmatique
    Ce n'est pas qu'il est anti-flic
    C'est les flics qui sont antitout
    Quand il se souvient des carnages
    Il a les crocs, il a la rage
    Et même de la colère en rab
    Captain Acab
    
    Il a foi en ces utopies
    S'il va en manif le sam'di
    Comme d'autres à la messe le dimanche
    C'est pour vaincre le capitalisme
    Et pas mal d'autres mots en isme
    Lui, il préfère les baleines blanches
    Il a lu pas mal de pavés
    Maint'nant il veut les balancer
    Il est prêt à bouffer du sab'
    Captain Acab
    
    Il dit j'suis pas un numéro
    Mais je sais qu'il a sur la peau
    tatoué le nombre 1312
    Il crache à tout vent bien en l'air
    À la gueule des hélicoptères 
    Qui volent dans le ciel de Toulouse
    Quand en face de lui les condés
    Lui donnent l'ordre de reculer
    Il se refuse à faire le crabe.
    Captain Acab
    
    
    C'est pas qu'il est végétarien
    Mais l'poulet il digère pas bien
    C'est que ça lui plombe la panse
    À choisir, lui préférerait
    Bouffer du bourgeois du banquier
    En guise de plat de résistance
    Il aim'rait changer de régime
    Affronter les cognes c'est sa gym 
    Veut les réduire façon kebab
    Captain Acab
    
    Parce qu'il aime caillasser des banques 
    Les keufs envoient direct les tanks
    Quand ils veulent faire dans la dentelle
    Il a compris, peut pas gagner
    D'ailleurs promis, il s'est rangé
    Maint'nant il leur offre des cocktails
    Il pense aux familles des vitrines
    Brisées avec sa barre à mine
    ça lui a couté une gardav
    Captain Acab
    
    Et quand il ressort le lend'main
    L'est accueilli par les copains
    Comment ça va bien ? Pas trop mal
    Pour tej l'odeur du comico
    Plutôt que de se foutre à l'eau
    Il préfère prendre une cuite royale
    À grand renfort de bière de vin
    Alors à 4 h du matin
    Il connait plus que deux syllabes
    
    ACAB
    
  • 12. Tes lendemains

    12. Tes lendemains

     
    Souvent je les laisse au fond d'mes poches
    
    C'est pour ça qu'ma langue est d'sortie
    
    Ce n'est pas que je les trouve moches
    
    Quoiqu'un peu si
    
    
    
    
    Je ne les mets jamais en l'air
    
    Je me les traine à bout de bras
    
    Car je ne sais jamais quoi faire
    
    De mes dix doigts
    
    
    
    
    Je remets mon courage à deux mains
    
    Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine
    
    Mettons nos joies d'hier en commun
    
    Tes lendemains dans les deux miennes
    
    
    
    
    Parfois pour me faire bien comprendre
    
    J'les agite devant les copains
    
    À tel point qu'ils refusent de prendre
    
    Mes coups de main
    
    
    
    
    J'fais des grands gestes c'est banal
    
    Souvent ça ne ressemble à rien
    
    Elles ont toujours beaucoup de mal
    
    à faire le point
    
    
    
    
    Je remets mon courage à demain
    
    Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine
    
    Mettons nos joies d'hier en commun
    
    Tes lendemains dans les deux miennes
    
    
    
    
    Quand je me sens embarrassé
    
    Elles se tordent dans tous les sens
    
    Et elles commencent à s'embrasser
    
    Quelle indécence
    
    
    
    
    Elles ne sont pas vraiment adroites
    
    Particulièrement quand je fauche
    
    Elle demeure ballote et benoite
    
    Mes deux mains gauches
    
    
    
    
    Je remets mon courage à demain
    
    Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine
    
    Mettons nos joies d'hier en commun
    
    Tes lendemains dans les deux miennes
    
    
    
    
    Et si elles ont mauvaise mine
    
    les ongles rongés jusqu'au sang
    
    C'est que l'existence me chagrine
    
    assez souvent
    
    
    
    
    Elles auraient besoin c'est normal
    
    D'une manucure de jouvence
    
    D'une épilation pour ce poil
    
    Quelle négligence
    
    
    
    
    Je remets mon courage à demain
    
    Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine
    
    Mettons nos joies d'hier en commun
    
    Tes lendemains dans les deux miennes
    
    
    
    
    Alors pour se sentir utile
    
    Elle s'empare de ce bout de bois
    
    Et puis elles gratouillent malhabiles
    
    du bout des doigts
    
    
    
    
    Elles ne savent pas faire grand-chose d'autre
    
    Que des chansons et des refrains
    
    Elles aiment entendre claquer les vôtres
    
    Tout à la fin