Embarrassé au mois d'janvier Donald Trump regimbe et bougonne Il crie aux élections truquées Je peux pas dire que ça m'étonne Par contre ce que j'ai pas vu v'nir Si c'était pas triste ce s'rait drôle L'année commence par un Viking Envahissant le capitole Février, on voit sur France 2 Un débat Lepen Darmanin C'est à qui s'ra le plus haineux A qui repoussera le plus loin (les limites de la dignité) Ils s'ressemblent comme deux gouttes d'eau Moi quand j'y pense ça me rend barge L'année prochaine, il f'ra facho Qui c'est qu'à dit faut faire barrage En mars, sur le canal de Suez Un porte-conteneur est bloqué ça va couter un max de pez Et puis ça va tout retarder Pour libérer la marchandise Un ouvrier trouvera la mort Entre l'humain et les devises On sait qui arrive à bon port ça tourne pas rond dans l'hexagone Ailleurs c'est pas vraiment plus cool À croire qu'la raison est aphone, que le monde a perdu la boule (t'as compris)(la boule) En avril, autour d'une table La gauche a fait une réunion Enfin une gauche un peu bancale Sans poutou et sans mélanchon ça s'dispute et ça débat fort ça braille, ça mugit et ça gueule Olivier Faure s'est mis d'accord Mais il s'est mis d'accord tout seul Quand vient le joli moi de mai Le temps des commémorations Quelques gauchistes avinés Se souviennent d'une révolution C'est qu'il y en eut peu de la sorte Victorieuse même si vaincu Non non la commune n'est pas morte C'est comme si ielles l'avaient vécu Un scandale éclate en juin Car pour les prochaines élections Les promesses de foi, en chemin Se sont perdu, c'est un peu con Privatiser la vie publique C'est un échec et puis surtout C'est un déni d'démocratie D'un autre côté, tout l'monde s'en fout ça tourne pas rond dans l'hexagone La tête au carré même au cube Pour faire basculer la couronne Y a ptet un tuto sur YouTube (j'vais r'garder) Il est mis en place en juillet Le fameux passe sanitaire Je vais p'tet changé de couplet Pour éviter quelques galères Oui comme c'est tendu comme sujet Je synthétise ma position J'aime pas voir le débat mener Par ceux qui détournent l'attention En aout il s'envole dans l'espace Qui ? L'avenir du genre humain Cui qui va terraformer mars Parce que franch'ment sur terre ça craint Alors loin de ces prises de bec Elon Musk prend de la hauteur Pour survoler l'rapport du GIEC On est mieux en apesanteur En septembre, là c'est un coup dur Nos beaux sous-marins nucléaires Qu'on avait d'ja vendu c'est sur En fait c'était ptet pas si clair J'écris ça pour faire un couplet Car j'avoue, j'ai pas tout compris D'ailleurs si on peut m'expliquer Vous m'retrouverez à la sortie ça tourne pas rond dans l'hexagone Et ça désaxe les diagonales Et le roi des cons sur son trône On va l'rendre équilatérale Fini l'évasion en octobre C'est des milliards qui sont r'trouvés On ouvre la boite de Pandore Les riches ne peuvent plus se planquer Mais comme c'est à eux qu'appartiennent La plupart des groupes de médias On en parl'ra moins d'une semaine Comme des Lux leaks ou d'Panama Et en novembre encore un drame 27 migrants se sont noyés Les gardes-frontières se dédouanent Tout ça, c'est la faute aux Anglais (aux français) (aux anglais) Comme il a la pensée complexe Afin d'éviter les naufrages Macron donne du fric à Frontex Qui c'est qu'a dit faut faire barrage En décembre c'est l'apothéose D'une année pleine de fracas Sur du Bethoven c'est grandiose Zemmour se déclare candidat Oui, mais il faut garder l'espoir Penser à ce qui nous f'rait du bien Tenez-moi j'pense que des ce soir J'pars au chili par l'premier train ça tourne pas rond dans l'hexagone Gouverné par le roi Céon Mais comme le disait Antigone Non
Auteur : lesautruchesinsomniaques
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Hexagone 2021
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28. La Lucarne
À Marion qui m’a appris que j’avais un trou, là, au milieu. Enfin pas un trou, plutôt un nœud
À Louise qui m’a appris qu’il fallait faire gaffe, parce que parfois, délier, dénouer, ça pouvait être définitif.
Et puis à mon frère aussi un peu, parce qu’il est pas bien épais et que je suis sûr que Louise et Marion seront d’accord pour lui faire un peu de place dans cette dédicace.
Christian dit : « J’écris pour trouver ce que je pense ». En fait, c’est Marion qui dit ça. Elle dit aussi : « Quand on écrit, quand on chante, il faut, par honnêteté, laisser entrer de la lumière. Quand on écrit, il faut trouver des lucarnes ». Mais en fait, c’est Jehan qui dit ça.
Baptiste serre un peu les dents, serre un peu sa clope, il a un peu froid. Hervé vient de poser sa quatrième lucarne, et Coskun, son chapeau dans la rue. Il accorde sa guitare, même s’il sait que l’accordage, c’est bourgeois. Kevin tend le bras pour réclamer la passe, il est dégagé. Ibra vient de sortir de C.R.A grâce à la mobilisation des camarades, et Baptiste serre peu un les dents, serre un peu son stylo, parce qu’il a un peu froid. Mais à la terrasse du café, il apprend que le Vatican mesure quarante-quatre kilomètres carrés, et il se demande ce que ça fait, en superficie quarante-quatre kilomètres carrés.
Hervé a encore deux lucarnes a installer avant de finir sa journée et Kevin n’a pas reçu la passe alors que merde, il était dégagé, t’as pas vu ou quoi. Léa rentre dans le parc de jeu parce qu’elle a envie d’essayer la balançoire, celle qui fait un peu peur parce qu’elle peut monter très haut. Coskun a fini d’accorder sa guitare et il commence à égrainer le thème de Caesar Swing, parce que même si le jazz manouche c’est pas bourgeois, ça plaît aux bourgeois, et c’est important de plaire aux bourgeois quand on veut remplir son chapeau. Marion dit qu’il y un trou là au milieu, et Baptiste a un peu froid. Madame Ottenheimer fête ses quatre-vingt-neuf ans dans son quatre-vingt-neuf mètres carré, et se demande si on peut mesurer la valeur des années à la surface qu’elles occupent. Ibra vient boire un coup au bar avec les camarades et s’étonne un peu qu’autant de gens soient au courant. Kevin réussit une reprise de volée en visant bien la lucarne, mais il la manque. Baptiste cherche un sujet sur lequel il pourrait écrire. Baptiste écrit pour trouver ce qu’il pense, mais il n’y arrive pas toujours. C’est pour ça qu’il n’aime pas qu’on lui demande à quoi il pense parce qu’il ne sait pas toujours. Il va fermer la fenêtre parce qu’il a un peu froid dans son trente-quatre mètres carré.
Hervé sent que ça tire en bas du dos alors qu’il a presque fini la cinquième lucarne. Il ne veut pas y penser, il croit dur comme fer à la volonté de l’esprit sur le corps, c’est bien connu ça tient tant que le mental tient. Kevin aussi croit en son mental, sauf quand son mental lui fait défaut. Hervé et Sylvie ne se sont pas parlé depuis presque quatre ans, et personne ne sait pourquoi. Quand on lui demande, Sylvie hausse les épaules. Marion dit qu’elle n’a pas d’ailes. Et que Lalla, ça veut dire grand-mère, mais aussi madame, en darija, surtout pour dire d’une meuf qu’elle est grave stylé, enfin respect tu vois, mais en fait c’est Ibra qui dit ça. Kevin commence a s’énerver un peu, le souffle court, et la mi-temps qui arrive à grands pas, putain de merde, mais c’est pas une défense qu’ils ont, ces mecs-là, c’est un putain de mur de Berlin, infranchissable, et tout. Dans son quatre-vingt-neuf mètres carré, Mme Ottenheimer se rappelle de ses jeunes années en Autriche, à une époque ou des murs ont en construisait pas mal. Mais maintenant, elle déballe le cadeau de sa petite fille.
Baptiste imagine l’histoire d’un type qui donnerait ses cours de piano dans les gares, tu sais sur les pianos publics là. C’est pas vraiment une histoire, en plus ça doit probablement exister en vrai. Un gars qui ferait ça, comme un musicien de rue, genre demi-heure de cours au chapeau. Peut-être même qu’en fin de journée, il pourrait se retrouver avec Coskun. Marion dit de ne pas regardez en bas, mais en fait c’est sa prof qui dit ça. Léa est montée très très haut avec la balançoire, de là, elle peut voir tout le square, et c’est drôlement agréable de voir tout d’en haut, sûrement que ça va lui donné de l’ambition.
Baptiste a rangé son ambition avec son stylo et il a décidé de sortir faire un tour. Il a un peu peur que, depuis qu’il ne boit plus que de l’eau, sa langue ait rouillé. Coskun tape le bœuf avec le prof de piano, et Hervé sent que son moral d’acier va chavirer bientôt parce qu’il ne sait pas pourquoi il repense à Sylvie. Il ne faut penser ni à Sylvie ni à son mal de dos. Baptiste marche dans la rue et croise Coskun qui joue maintenant la partida. Baptiste l’écoute un peu, mais il n’a pas de pièce dans sa poche, pour avoir des pièces faudrait qu’il se décide à faire des choses qui en rapportent, comme des cours de piano. Mme Ottenheimer a ouvert son cadeau, c’est une basse, toute rouge, avec ses quatre cordes. Mme Ottenheimer est ravie, parce qu’après avoir enseigner le piano classique pendant près de cinquante-cinq ans, elle a décidé de se mettre à la basse funk, parce que ça groove et que ça a pétillé dans les yeux de sa petite fille quand elle lui a parlé de ça. Groover, elle ne sait pas ce que c’est, mais pétiller oui. Et si elle a bien compris, c’est un peu pareil.
Baptiste a un peu froid, il serre sa clope, et il voit le terrain de foot. Kevin demande à nouveau la passe, il est démarqué, mais geste agressif de la défense, il tombe. Baptiste se fout du foot. Il fait tout de même le calcul rapidement, et en gros le Vatican, c’est 62 terrains de foot. C’est grand quand même soixante-deux terrains de foot. Ça le ferait chier d’être pape, avec soixante-deux terrains de foot à s’occuper. Cela dit, vu comme c’est vieux un pape, c’est normal qu’il y ait beaucoup d’espace autour.
Coskun apprend a Hervé qui vient de finir sa journée que Coskun, ça veut dire enthousiaste, et Hervé en a rien à foutre, mais comme il pense à ne pas penser à Sylvie, ça l’arrange d’apprendre des choses dont il se fout. Ibra souffle un peu, demain ce sera comme hier, et après demain pareil, toujours un peu la boule au ventre, mais au moins aujourd’hui il est sorti alors il a le droit de souffler.
Baptiste marche encore un peu, et il imagine une vieille dame en train d’apprendre la basse funk, ça aussi ce serait drôle, mais si ça se trouve ça aussi ça existe déjà, de toute façon, qu’est-ce qu’on peut vraiment inventer. Rien. Kevin est vener, super vener, c’était clairement une faute intentionnelle, putain d’arbitre, il a mal à la cheville, mais ça va tenir, ça doit tenir. Hervé pense à sa sixième lucarne. Il l’a bâclé un peu parce que Sylvie lui pesait sur le bas du dos. Mais bon, elle va tenir. Elle doit tenir. Madame Ottenheimer groove, et ça pétille dans son quatre-vingts mètres carré, ça ouvre encore plus d’espace, et encore plus de temps. Ça fait des bulles de souvenirs tout pleins son appartement. Avec pas mal de murs. Qu’elle voit se fracasser, à grand coup de pierres, de peinture ou de kick bien au fond, bien en place.
Ou alors un cheminot qui tapoterait le flan de chaque train avant son départ, comme une superstition. L’image est marrante. Baptiste pense au train, et il pense à son frère Il faudrait plutôt qu’il appelle son frère qui est parti loin. Oui, mais demain. Marion dit : la poésie, c’est un combat, sinon ça ne m’intéresse pas. Léa d’un coup, a un grand vertige. Et si elle s’envolait si haut qu’elle ne pourrait plus jamais redescendre ? Comme un ballon dont on aurait lâché la ficelle. Ibra souffle, un peu d’air, enfin, c’est étouffant la tôle, c’est étouffant comme ils réussissent à te mettre une prison dans la tête simplement en te promettant la prison. Mais là, il n’y a pas de prison, il y a quatre murs qui tiennent chaud, et qui lui ouvrent de la place et des bras. Madame Ottenheimer a compris le truc avec la basse. C’est pas plus con qu’autre chose, quand on a compris le truc. Mais ce qu’elle aimerait bien maintenant, c’est tapé le bœuf avec d’autres musiciens.
Coskun est rentrée dans le café, et parce qu’il connaît bien son métier, pour Ibra, et pour le prof de piano, et pour Marion, pour madame Ottenheimer et pour le pape en personne, qui doit se faire chier dans son 44 millions de mètres carrés , il a chanté les clash, i fought the law and law won. Des fois il ne reste qu’à chanter les clash.
Baptiste déambule, il a un peu froid, il en a un peu marre, il ne va pas écrire aujourd’hui. De toute façon, écrire quoi ? Louise lui a bien dit, à remettre tout en question, toutes les passions des autres, tout ce qui fait en fait que les gens se lèvent le matin, à ne pas reconnaître que ça puisse exister, ça peut être définitif. Parce qu’il a un peu peur, ce soit définitif, il s’invente un caillou au milieu de la route. C’est rare un caillou, surtout en ville.
Alors il shoote.
En plein dans la lucarne.
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27. Copacabana
Elle s'habille toujours en dimanche Quand elle sent bien qu'on est lundi Elle trébuche, mais raccroche aux branches Quand elle attaque le jeudi Elle a la semaine qui passe Pour s'faire du bien à l'existence Quand ça tremble trop, elle se dit Que si la vie n'a aucun sens Ce n'est pas un sens interdit Manqu'rait plus que ce soit une impasse Et va savoir pourquoi Elle pense à Copacabana C'est peut-être un jour de carnaval Elle y a jamais été Mais c'est quelque part en été ça existe et c'est pas si mal Quand le matin c'est métro Mais trop tard pour le rattraper Elle sait qu'elle sèch'ra le boulot Mais y a pas de quoi se frapper Il faut bien veiller ses blessures Pour pas brûler par les deux bouts Alors elle imagine sans peine Des trompettistes pleins de bajoues Qui lui jouent des airs la bouche pleine Elle y pense et ça la rassure Pour surprendre l'essentiel Elle se dit Bonjour Monde Cruel Comment tu te sens aujourd'hui ? T'as l'air un peu hargneux Un peu chagrin et grincheux Comme tu vois moi ça va bien merci Parfois quand le soir devient lourd Elle se réfugie à l'excès Dans une ivresse de velours Avec un certain succès ça nourrit ses rêveries quotidiennes Et quand ça cesse d'être drôle Quand elle a l'esquisse esquintée Elle sait qu'il y aura des épaules Qu'elle pourra toujours emprunter Des promesses de caresse diluviennes Et va savoir pourquoi Elle fredonne Copacabana ça se chante, et ça c'est pas si mal On va pas s'pourrir l'existence Même qu'Avec un peu de chance Aujourd'hui, là-bas c'est carnaval Pour pas sombrer dans la détresse Elle se plonge dans l'euphorie Et s'il y a pas mal de tristesse C'est qu'il y a de la joie aussi La vie a toujours deux profils Elle s'habille toujours en dimanche Quand elle sent bien qu'on est lundi ça lui colorie les nuits blanches Et puis elle trouve ça joli Il faut bien faire face quand ça tombe pile Pour surprendre l'essentiel Elle se dit Bonjour Monde Cruel Comment tu te sens aujourd'hui ? T'as l'air un peu hargneux Un peu chagrin et grincheux Comme tu vois moi ça va bien merci
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26. L’Amour est une région bien intéressante
à Elsa
Elle m’as tendu un bouquin tout noir, tout court, comme le café qu’on était en train de boire. Ça allait me plaire, c’était sûr, c’était vraiment un truc pour moi, et puis, on ne croirait pas comme ça, mais c’était drôle, enfin drôle comme un docteur russe en voyage au dix-neuvième siècle. Pas hilarant, mais drôle tu vois, un peu ton genre. Ça s’appelait « L’Amour est une région bien intéressante » et c’était la correspondance d’Anton Tchekov lors de son voyage sur l’île Sakhaline en avril 1890. Et donc apparemment, c’était fait pour moi, c’était noir, court et sucré comme le café, et ça me ferait voyager aussi sûrement que nos retrouvailles.
Nos retrouvailles avec Jeanne, c’était toujours l’occasion de convoquer la grande famille des absents et des lointains. Alors sans faire de distinction elle convoquait les grands écrivains, les artistes qu’elle aimait et qui étaient pour la plupart mort depuis longtemps, mais aussi tous les potes de la fac, les perdus de vue, ceux que je me suis promis de rappeler sans faute aujourd’hui et ça fait déjà bien quatre ou cinq mois. Je n’ai jamais eu le courage de Jeanne pour entretenir des relations longue distance. Disons que j’ai l’amitié en circuit court et la littérature plutôt contemporaine.Mais elle, elle a les yeux là où elle a le cœur, alors la distance ou la durée, ça ne lui fait pas peur. Brel disait : il y en a qui ont le cœur si vaste qu’ils sont toujours en voyage. Il a dû rencontrer Jeanne.
Alors devant le café, je m’ouvre au lointain. J’écoute Jeanne me dire que Tchaïkovski aimait Shakespeare. À tel point que ses dernières volontés furent de jouer dans Hamlet dans le rôle du crâne. Hélas pauvre Yorrick ! Je l’ai bien connu Horatio. J’ai aussi bien connu Pierre qui en ce moment crève d’amour pour les beaux yeux de Clémence qui entre-temps est devenu Clément, et ça ne change rien pour Pierre, mais ça change tout pour Clément, et donc tu comprends, c’est beau. Mais comme tout ce qui est beau, c’est un peu compliqué.
Léger point de dissension dans la conversation, parenthèse pour exprimer mon désaccord, parce que c’est vrai, des fois, c’est beau quand c’est simple, non ? Mais mes objections n’entrave pas la bonne marche de la grande parade, et j’apprends que, d’après elle, Garcia Marquez avait raison à propos de l’amour, que c’était un peu comme le choléra, quand ça te prenait, ça te rendait tremblant fiévreux et ça te filait la chiasse
Je ne reconnaîtrais plus Justine, paraît-il. Elle avait abandonné en premières années de master pour faire junkie à plein temps, une vocation de spectre plus cholérique qu’amoureuse à mon avis, et elle errait de coloc en coloc. On l’hébergeait à tour de rôle pour dépanner, pour ne pas la laisser tomber. Mais comme souvent dans ce genre de chute, à un moment, tu lâches pour ne pas tomber avec. Enfin, je ne sais pas, c’est peut-être moi, le lâche. En tout cas, elle s’en est sortie, elle vit maintenant en communauté où on pratique l’amour libre et la sobriété heureuse, mais j’évite de demander ce qui est le plus antinomique des deux. Jeanne n’aime pas les sarcasmes, sauf chez les Russes du XIXe siècle, qui ont le droit parce qu’ils ont l’âme slave, et le corps six pieds sous terre.
Marc et Juliette ont eu leur troisième gamin, Kevin s’est lancé dans une traversée de la France en solitaire et Tchekhov se bourre la gueule avec des paysans sibériens. Sylvain commencera bientôt un nouveau boulot et il appréhende parce qu’il a couché avec sa patronne, mais ce n’est pas bien sérieux. En tout cas c’est ce qu’elle pense. Elle pense aussi que Boulgakov était sûrement très amoureux de Marguerite, parce que sinon, il ne l’aurait pas écrit comme ça. Gaël vit une histoire passionnelle et passionnante avec quelqu’un que personne n’a jamais vu, puisqu’ils ont décidé de ne s’aimer qu’en voyage, et chaque fois dans un pays différent. Ce mystère lui donne un peu d’épaisseur, mais Jeanne s’interroge, l’amour peut il s’affranchir d’un quotidien ?
Et moi je tangue, et je me laisse bercé par ces noms, ces dates, ces nouvelles plus ou moins anciennes, quand soudain je remarque une main posée sur l’épaule de Jeanne. Une main qui n’appartient ni à Tchekov ni à un autre pote du lycée. Elle appartient à un grand type brun, avec un sourire qui ferait pâlir une pub de dentifrice. Puis le sourire embrasse Jeanne et me tend son autre main que je saisis un peu machinalement. Et je me rends compte que si Jeanne me raconte toutes les histoires du monde, je ne sais finalement rien de la sienne.
J’imaginais que Jeanne vivait entre le silence des bibliothèques et le fracas des routes, un œil sur une page et l’autre sur l’horizon, et je ne peux m’empêcher de m’étonner que le premier sourire venu puisse poser la main sur son épaule.
J’apprends que le sourire à un prénom, fort banal, et inintéressant, je m’empresse donc de l’oublier. Mais la convenance me pousse à leur demander les circonstances de leur rencontre, et là, c’est drôle, je vais rire, ils se sont rencontrés en se heurtant dans la rue, parce que chacun était tête baissée en train de lire en marchant, alors forcément ça fait des sujets de conversation. Il lisait Tous les noms de Saramango et elle le Siddhartha de Hermann Hesse. Ils s’étaient heurtés, avaient souri de la situation, avaient échangé trois mots qui étaient vite devenus 1800 pages, ils avaient défendu leurs bouquins respectifs avec force et véhémence, et finalement c’est comme ça qu’une histoire commence. Moi à ce moment là de leur rencontre, je lisais probablement le dos de ma boite de céréale, ce qui aide moins à rencontrer des gens dans la rue, mais sert à découvrir l’existence de l’acide ascorbique, qui n’est rien d’autre que de la vitamine C, et c’était un peu décevant même si ça rehausse le goût des céréales. C’est bien pour ça que je ne lis pas tellement .
Le sourire au prénom banal ne sait probablement pas ce qu’est l’acide ascorbique, mais il en connaît un rayon lui aussi sur Tchekov, Shakespeare et Louis, qui arrivait toujours en retard en cours, mais qui maintenant travaille pour le bureau international des poids et mesure, à l’entretien de l’horloge atomique, ce qui est drôlement pratique quand on veut avoir l’heure. D’ailleurs, en parlant d’heure, je ne vais probablement pas tarder, je ne voudrais pas vous déranger, ah je ne vous dérange pas, bon très bien, reprenons un café alors, tu me raconteras comment Louis s’est retrouvé à faire l’horloger atomique, sûrement pour rendre fier son père qui vendait des chaussures de luxe, bien que le rapport entre les deux ne soit pas d’emblée évident.
Le sourire se crispe un peu, il aurait eu envie d’y aller, d’accord un café, mais on ne tarde pas trop, tu te rappelles, on va manger chez ma mère ce soir, et j’éprouve une joie secrète quand Jeanne hèle le serveur entre deux phrases sur l’utilisation du paragraphe chez Flaubert, qui était son sujet de thèse, parce qu’il y a de quoi écrire des thèses sur l’utilisation du paragraphe chez Flaubert. Et je me demande, si j’avais moi aussi fait une thèse, sur le sarcasme russe du XIXe siècle, par exemple, est ce que ça aurait changé quelque chose ? Est-ce que j’aurais vécu autrement qu’en essayant d’échapper à la vie, même si on ne peut jamais vraiment, ou alors c’est le suicide, mais ça nous renverrait encore aux Russes ou à Shakespeare, qui avait l’âme slave même si c’était pas encore à la mode. Pis soyons honnête Hamlet, c’est con comme la mort, il y a que les Russes pour écrire des trucs où l’on préfère la vengeance du père à l’amour d’Ophélie. Et sûr que ça fait des grandes tragédies, mais au fond, c’est comme l’acide ascorbique, Hamlet, rien d’autre que de la vitamine C.
Le sourire crispé a des gestes de tendresses, et ça m’agace un peu. Je ne suis pas jaloux, pas comme Eliott, tu te rappelles, qui avait alpagué l’officiel de son amante de l’époque pour lui casser la gueule, un jour qu’il était en proie avec le monstre aux yeux verts, et qui a fini par faire sa vie avec lui. Avec l’officiel, pas avec la jalousie. Comme quoi, il y a parfois des sources d’étonnement, et heureusement sinon on finirait tous par devenir russe. Non, je ne suis pas jaloux, mais je n’aime pas qu’on me malmène l’espoir en public, c’est humain non ?
Il est pourtant sympa, ce sourire. Il essaye même de s’intéresser. Alors quand il me demande, poliment « Et toi qu’est-ce que tu fais en ce moment? », je m’extirpe doucement de l’agréable torpeur, je chasse de ma tête la litanie de tous ces noms et je m’entends répondre qu’en ce moment, j’essaye d’écrire un livre. Toi, un livre ? Réponds Jeanne. Oui moi, un livre. Après tout y a de quoi faire, et je suis complètement d’accord avec Tchekhov. C’est vrai que l’amour est une région bien intéressante.
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25. Amoureux d’une seconde
Naître un peu plus chaque jour Pour enfin venir au monde - Il prenait sa vie à rebours L'amoureux d'une seconde Pour enfin venir au monde Prendre une grande respiration - L'amoureux d'une seconde D'une' seconde d'inattention Prendre une grande respiration Sentir son regard éclore - D'une seconde d'inattention Douce indolence indolore Sentir son regard éclore Et puis mordre à pleine dent - Douce indolence indolore Il s'oublia un instant Et puis mordre à pleine dent Avoir la lèvre qui sourit - Il s'oublia un instant D'un coup se redécouvrit Avoir la lèvre qui sourit Du tout début d'un poème - D'un coup se redécouvrit Comme pour un second Baptême Du tout début d'un poème Jusqu'à la langueur et la liesse - Comme pour un second Baptême Il se fit cette promesse Jusqu'à la langueur et la liesse Prendre les choses à rebours Il se fit cette promesse Naitre un peu plus chaque jour
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18. Les amours neuves
On sent quand on se déshabille qu'on est empreint de maladresse On a la caresses malhabile Qu'on voudrait pleine de tendresse On fait du zèle en s'embrassant On sait bien qu'il faut qu'on se montre Mais c'est un peu embarrassant Maint'nant que nos corps se rencontrent On sait pas trop où mettre ses mains Si j'effleure là, ça te chatouille Pourquoi est ce qu'il bave sur mes seins ? Pardon mais tu m'écrases les couilles On n'peux pas dire qu'on manque d'aplomb Plein d'une ardeur à toute épreuve On a quand même l'air un peu con En éprouvant nos amours neuves Toujours il y a un bras en trop Dans cette drôle de gymnastique C'est pas que je veuille être manchot Mais ce s'rait quand même plus pratique On cherche en vain notre alchimie On pousse des soupir langoureux On s'donne un cours d'anatomie un peu gênant mais savoureux On aimerait faire comme au cinoche Faire l'amour et faire des envieux Oui sauf que là, c'est une peu moche C'est quoi cette position sérieux On se rêv'rait Alain Delon Bardot, Belmondo ou Deneuve Oui mais on a l'air un peu con En éprouvant nos amours neuves On s'étonne d'la situation Et de nos pudeurs de gazelle ça m'fait penser à Mélenchon Essaye d'être plus sensuel Alors on essaye les mots doux Histoire de ranimer la flamme ô toi ma reine, ô toi mon loup Ma six fois sept, mon macadam Et on raconte n'importe quoi Maint'nant qu'on a le cœur à la fête Je lâche : t'es mon Conémera Et Merde ! J'ai Sardou dans la tête C'est vrai que c'est un peu brouillon Mais on corrig'ra les épreuves Pas grave d'avoir l'air un peu con En éprouvant nos amours neuves Notre enthousiasme nous déborde on veut d'la réjouissance grivoise Du temps pour que nos cœurs s'accordent Et pour que nos corps s'apprivoisent Aux amants extraordinaire Qui veulent surtout que ça se sache Je vous dédie ces quelques vers Gardez vot' suffisance potache Car vous ne m'ferez jamais croire Que tout est simple, qu'jamais ça tangue Dans aucune de vos histoires Mais je suis sans doute mauvaise langue En attendant, j'fait une chanson Sur l'oreiller, les idées pleuvent Je me chante un air à la con Car j'les aime bien nos amours neuves
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17. En t’oubliant
En t'oubliant, je me souviens En t'oubliant, je me souviens D'la glycine au printemps qui sort ces premières fleurs Des bourgeons tout tremblants qui exhalent ton odeur Respirant leur parfum, je me mets à songer À songer qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier En t'oubliant, je me souviens En t'oubliant, je me souviens De ces croquis dormant dans les taches de peinture Des visages grimaçants graffités sur les murs Une esquisse au fusain me fait me rappeler Me rappeler qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier En t'oubliant, je me souviens En t'oubliant, je me souviens Tes lèvres sifflotant ce qui trottait dans ta tête Des rythmes à contre temps certains soirs de goguette En chantant ce refrain qui reste inachevé J'me souviens qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier En t'oubliant, je me souviens En t'oubliant, je me souviens Du piquant du piment, de la fleur de muscade Et du goût du safran dans la moindre salade Buvant un verre de vin que j'aim'rais épicé J'me souviens qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier En t'oubliant, je me souviens En t'oubliant, je me souviens D'un geste consolant, du vestige d'une étreinte J'ai comme un serrement quand je ressens l'empreinte D'une épaule retenant toutes les larmes versées J'me souviens qu'il est temps, qu'il est temps d'oublier En t'oubliant, je me souviens En t'oubliant, je me souviens D'un parfum entêtant, de certaines saveurs D'un air pas très chantant, d'un dessin plein d'ardeur Je m'en rappelle bien, et pourtant je le sais Je sais qu'il est grand temps mais j'oublie d'oublier ...
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16. La gueulante
Allez j'm'en va nous dit Monsieur Chaque soir avant la fermeture Sur le trottoir d'vant la devanture Du bar de l'avenue Montesquieu Sa main a un peu la tremblante Mais y paye sans r 'chigner l'ardoise Mets son chapeau à l'iroquoise Pis tous les soirs pousse sa gueulante Y en a marre des marabouts Qui nous tiennent par des bouts d'ficelle Y en a marre des ceusses à g'noux Y en a marre des genoux trop frêles Marre de la grêle qui nous gronde Marre des ondes dedans nos têtes Marre des étoiles au micro-ondes Marre de l'ondée dessus nos fêtes Si c'est comme ça moi je m'arrache J'reviendrais plus bandes d'apache À vouloir trop vous préserver Z'allez finir par m'énerver Monsieur nous dit Allez, j’m'en va Chaque soir pendant la fermeture Et puis il s'adosse contre le mur Pour que le mur reste bien droit La cigarette virulente Et puis la colère au poing Il cognait fort chez les voisins Pour leur chanter sa p'tite gueulante Y en a marre des marabouts Y en a marre des rabougris Marre du gris dans le ragout Y en a marre des gouts aigris Marre des écrits au cognac Marre d'l'ammoniac dans le café Marre des fées tout feu tout trac Marre des accidents de mafé Si c'est comme ça moi je m'arrache J'reviendrais plus bandes d'apache À vouloir trop vous préserver Z'allez finir par m'énerver Mais un jour on a vu monsieur Nous dire j'm'en va, et s'en aller, ça nous a fait un drôle d'effet D'un coup c'est dev'nu silencieux Puis il est r'venu d'entre les morts En disant c'est marre je reste un peu Laissez-moi une minute ou deux Juste pour pouvoir gueuler encore Y en marre des marabouts Et d'vos économies d'chandelles Faut la bruler par les debout C'est debout que la flamme est belle Y en a marre des amarantes Et des amantes à l'oeil moqueur Marre des hauteurs de la tourmente Et marre des essoufflés du coeur Marre du cœur entre deux chaises Marre des chaises de bureaucrate Y en a marre des catachrèses Des encrisées en cravate Marre de tout les va t'en guerre Marre des gens exaspérés Y en a marre d'être en colère Marre d'vous entendre soupirer Et sans adieu, et sans une tache Il partira l'dernier apache Alors m'parle pas d'me préserver Tu finirais par m’énerver
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15. Carpe Diem, mon cul !
Sûr que ça a de l'élégance Sûr que parfois ça explique l'heure Sûr que la joyeuse indolence Vaut mieux, bien sûr, que pas d'bonheur Sur qu'on ne sait pas tout sur tout Sur qu'y a des trucs qui nous échappent Sûr que qu'on est à genou Ça aide d'avoir une soupape Oui, mais voilà J'aime pas qu'on ouvre mes chakras au pied d'biches Ou qu'on découvre tout mon intime en friche J'aime pas qu'on m'gave Jusqu'à plus faim d'accord toltèque Je sens qu'on m'traite d'épave jusqu'à ce que j'sorte le carnet d'cheque Moi je préfère Taggué Carpe diem mon cul Les vainqueurs font payer Leur bonheur aux vaincus Sûr que ça a l'air scientifique Sûr qu'ils sont beaux tout leur tableur Sûr qu'une organisation pratique c'est très bon pour les travailleurs Sûr que c'est mieux l'esprit ouvert Sûr que c'est beau les mots nouveaux Sûr qu'il y a jamais de frontière Pour optimiser ton boulot Oui, mais voilà J'aime pas l'manège du manageur qui ment J'aime pas les cartes privilège qui mènent à l'enfermement J'aime pas qu'on veuille m'accomplir jusqu'à ce que je sois cadenassé Je n'aime surtout pas leur sourire que je trouve bien trop carnassier Moi je préfère Taggué Carpe diem mon cul Les vainqueurs font payer Leur bonheur aux vaincus Sûr que ça fait bien dans l'discours Sûr qu'on aspire à la même chose Sûr que le bonheur est bien court Alors faut voir la vie en rose Sûr que c'est plus agréable De n'plus être c'ui qui fais la gueule Sur que ça fait plus présentable Un mort qui sourit dans l'cercueil Oui, mais voilà J'aime pas qu'on m'empêche D'user de mes teintes pastel Jaime pas les prêches Et les dogmes du développement personnel J'aime pas les injonctions à devenir à tout prix heureux J'aurais de la satisfaction Quand on fera fondre à l'acide Cette fausse idée d'avenir radieux IL est grand temps d'changer Tous ces carpe diem qui m'écoeurent Il est temps que les vaincus fassent payer Leur bonheur aux vainqueur
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14. A l’abri du succès
Un sacré brouhaha, un vacarme un chahut la gauche autour d'une table ça y est ça devient tendu Jaddot invité tout l'monde enfin tout l'monde sauf Mélenchon Il est toujours relou, toujours râleur toujours ronchon Ils rêvent tous d'une gauche unie Mais comme j'sais pus qui disait À vouloir mettre tout à l'Ego, ça finit en bourbier Olivier s'la ramène, il fait de plus en plus fort « Une candidature unique tout le monde s'est mis d'accord » Julien Bayou tempère « Olivier à une grande gueule Certes il s'est mis d'accord, mais il s'est mis d'accord tout seul » Ils rêvent tous d'une gauche unie Mais comme j'sais pus qui disait Est qu'on a des nouvelles de Hulot ? Il passe bien en télé Hamon prend la parole et se perd dans une périphrase « Allons debout les morts du passé faisons table rase » Johanna Rolland persifle doucement « Vaut mieux tout oublier quand on a fait six pour cent » Quand j'vois Benoit, ça me rend triste Il s'voyait d'ja en haut d'l'affiche Trahie par les siens, c'est normal Quand tu rentres chez les socialistes Ils rêvent tous d'une gauche unie Mais comme j'sais pus qui disait Tu va voir qu'ils vont mettre Hidalgo Aubry va adorer Ça se déchire sur le voile, en très bof en très bref Delga un peu bourré menace d'aller à l'UNEF Ça examine tout ça quasiment au microscope C'est qu'il faut ce qu'il pour ne pas parler d'Europe Ils rêvent tous d'une gauche unie Mais comme j'sais pus qui disait Avec trois ou quatre couteaux dans l'dos C'est plus dur de gagner À la fin d'la journée, il n’y a aucun consensus Il y avait quatre grands courants, maintenant y en a quinze de plus À cette photo d'famille, il manque encore l'oncle raciste Voilà que dans l'lointain on aperçoit Valls qui rapplique Ils rêvent tous d'une gauche unie Mais comme j'sais pus qui disait Ce n'est pas comme si on risquait gros On est à l'abri du succès
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13. Captain ACAB
Il a sorti son K-way noir Il sent qu'il va bientôt pleuvoir Des lacrymos et puis des coups Il est toujours très pragmatique Ce n'est pas qu'il est anti-flic C'est les flics qui sont antitout Quand il se souvient des carnages Il a les crocs, il a la rage Et même de la colère en rab Captain Acab Il a foi en ces utopies S'il va en manif le sam'di Comme d'autres à la messe le dimanche C'est pour vaincre le capitalisme Et pas mal d'autres mots en isme Lui, il préfère les baleines blanches Il a lu pas mal de pavés Maint'nant il veut les balancer Il est prêt à bouffer du sab' Captain Acab Il dit j'suis pas un numéro Mais je sais qu'il a sur la peau tatoué le nombre 1312 Il crache à tout vent bien en l'air À la gueule des hélicoptères Qui volent dans le ciel de Toulouse Quand en face de lui les condés Lui donnent l'ordre de reculer Il se refuse à faire le crabe. Captain Acab C'est pas qu'il est végétarien Mais l'poulet il digère pas bien C'est que ça lui plombe la panse À choisir, lui préférerait Bouffer du bourgeois du banquier En guise de plat de résistance Il aim'rait changer de régime Affronter les cognes c'est sa gym Veut les réduire façon kebab Captain Acab Parce qu'il aime caillasser des banques Les keufs envoient direct les tanks Quand ils veulent faire dans la dentelle Il a compris, peut pas gagner D'ailleurs promis, il s'est rangé Maint'nant il leur offre des cocktails Il pense aux familles des vitrines Brisées avec sa barre à mine ça lui a couté une gardav Captain Acab Et quand il ressort le lend'main L'est accueilli par les copains Comment ça va bien ? Pas trop mal Pour tej l'odeur du comico Plutôt que de se foutre à l'eau Il préfère prendre une cuite royale À grand renfort de bière de vin Alors à 4 h du matin Il connait plus que deux syllabes ACAB
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12. Tes lendemains
Souvent je les laisse au fond d'mes poches C'est pour ça qu'ma langue est d'sortie Ce n'est pas que je les trouve moches Quoiqu'un peu si Je ne les mets jamais en l'air Je me les traine à bout de bras Car je ne sais jamais quoi faire De mes dix doigts Je remets mon courage à deux mains Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine Mettons nos joies d'hier en commun Tes lendemains dans les deux miennes Parfois pour me faire bien comprendre J'les agite devant les copains À tel point qu'ils refusent de prendre Mes coups de main J'fais des grands gestes c'est banal Souvent ça ne ressemble à rien Elles ont toujours beaucoup de mal à faire le point Je remets mon courage à demain Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine Mettons nos joies d'hier en commun Tes lendemains dans les deux miennes Quand je me sens embarrassé Elles se tordent dans tous les sens Et elles commencent à s'embrasser Quelle indécence Elles ne sont pas vraiment adroites Particulièrement quand je fauche Elle demeure ballote et benoite Mes deux mains gauches Je remets mon courage à demain Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine Mettons nos joies d'hier en commun Tes lendemains dans les deux miennes Et si elles ont mauvaise mine les ongles rongés jusqu'au sang C'est que l'existence me chagrine assez souvent Elles auraient besoin c'est normal D'une manucure de jouvence D'une épilation pour ce poil Quelle négligence Je remets mon courage à demain Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine Mettons nos joies d'hier en commun Tes lendemains dans les deux miennes Alors pour se sentir utile Elle s'empare de ce bout de bois Et puis elles gratouillent malhabiles du bout des doigts Elles ne savent pas faire grand-chose d'autre Que des chansons et des refrains Elles aiment entendre claquer les vôtres Tout à la fin