J'habite impasse de l'avenirSous le pont des Soupirs
Car chaque jour insoupçonné
Je me tue à la tâche
Pour faire éclore sans une tâche
Une palette renouvelée
C'est vrai que tout le jour je m'échine, sur des machines en zinc
à faire des magazines à la chaîne remplis de truc et de machin
Cousu de rêves made in china
du frisson vain, t'en veux, voilà
Je fais de la fièvre effervescente et de la fureur incessante
des émanations enivrantes, et de la jouissance insouciante
Tout ce qu'il faut pour te faire tourner la tête, pour te faire taire ta gueule
Pour combler ton horizon, j'fais les trois-huit à mois tout seul
Je fais de la guimauve au kilomètre
Du sucré jusqu'à l’écœurement
Pour le bon plaisir de nos maitres
Mais j'ai au cœur un serrement
J'habite impasse de l'avenir sous le pont des Soupirs
Quand trop attaché, j'arrive à m'échapper
Je fuis sur un bout de terre, sur mon petit lopin
En puisant l'encre dans mes artères, je cultive dans mon jardin
Les émotions qui manquent à mes contemporains
Nouveaux émois, et moitié beaux
Benêt, benoit, béat, pieds bots
La graine qui germe il faut l'entendre
tendre l'oreille l'entendre fendre
faut l'écouter éclore en éclair
plus vivace et sauvage que mille et une rizière
Une rivière de larmes coule sur un cœur de pierre
Des mille maux de ce drame, je ferais mille mots extraordinaires
Je fais pousser à la paresse, je cultive de la nonchalance
J'ai mis à macérer des rires pour ton prochain jour de chance
J'écris ce que je crois de vous, je fais croitre des métaphores
Vois, le petit faible que tu as pour elle devient de plus en plus fort
Tu en es ébahi, esbaudi, plein de fougue et de feu
Ravi et joyeux, tu as d'la vie au coin des yeux
Allez, vas, vis et vite, dévisse et deviens dingue
Nul besoin d'être Miles Davis pour devenir baltringue
J'habite impasse de l'avenirSous le pont des Soupirs
Je plante des regrets, des drames et des sanglots
C'est un peu paradoxal, mais il faut beaucoup d'eau
Pour faire fleurir des flammes,
des larmes dont tu es le seul proprio
Pas de passions de bas étage, mais de la rage à l'état pur
De la hargne brute qui n'épargne aucun futur
D’insensés incendies te traversent, te voilà devenu averse
Plein de tendresse qui berce, même pour la partie adverse
Je sème aux quatre vents, et quand vient l'aube je laboure
pour enterrer par tous les temps un embryon d'amour
Je repique du trèfle, je bêche pour ceux qui sont sur le carreau
Plein d'indicible et d'ineffable, je fais des fables
Pour tous ceux qu'on a dépossédés de leurs mots
Je fais fleurir ce qu'on ne dit pas, mais pas pour faire des bouquets
Plutôt des chardons que je m'empresse d'aller planquer
Dans les jardins qui sont bien trop rangé aligné
sans chiendent ni chien lit, sans allégresse aigre douce
où les plantes sont trop lisses, ou les fleurs sont trop douces
Partout là où je passe, je te jure que l'herbe repousse
J'habite impasse de l'avenir sous le pont des Soupirs
Et quand l'envie me prend, je pousse des cris de déments
Contre les charmeurs de sabre, les avaleurs de serment
Je suis la colère qui gronde des rêves d'ouvriers
Je suis l’éleveur de sentiment sur la grève oublié