Catégorie : poétique de l’autruche

  • 18. Les amours neuves

    18. Les amours neuves

    On sent quand on se déshabille
    qu'on est empreint de maladresse
    On a la caresses malhabile
    Qu'on voudrait pleine de tendresse
    
    On fait du zèle en s'embrassant
    On sait bien qu'il faut qu'on se montre
    Mais c'est un peu embarrassant
    Maint'nant que nos corps se rencontrent
    
    On sait pas trop où mettre ses mains
    Si j'effleure là, ça te chatouille  
    Pourquoi est ce qu'il bave sur mes seins ?
    Pardon mais tu m'écrases les couilles
    
    On n'peux pas dire qu'on manque d'aplomb
    Plein d'une ardeur à toute épreuve
    On a quand même l'air un peu con
    En éprouvant nos amours neuves
    
    Toujours il y a un bras en trop
    Dans cette drôle de gymnastique
    C'est pas que je veuille être manchot
    Mais ce s'rait quand même plus pratique
    
    On cherche en vain notre alchimie
    On pousse des soupir langoureux
    On s'donne un cours d'anatomie
    un peu gênant mais savoureux
    
    On aimerait faire comme au cinoche
    Faire l'amour et faire des envieux
    Oui sauf que là, c'est une peu moche
    C'est quoi cette position sérieux
    
    On se rêv'rait  Alain Delon
    Bardot, Belmondo ou Deneuve
    Oui mais on a  l'air un peu con
    En éprouvant nos amours neuves
    
    On s'étonne d'la situation
    Et de nos pudeurs de gazelle
    ça m'fait penser à Mélenchon
    Essaye d'être plus sensuel
    
    Alors on essaye les mots doux
    Histoire de ranimer la flamme
    ô toi ma reine, ô toi mon loup
    Ma six fois sept, mon macadam
    
    Et on raconte n'importe quoi
    Maint'nant qu'on  a le cœur à la fête
    Je lâche : t'es mon Conémera
    Et Merde ! J'ai Sardou dans la tête
    
    C'est vrai que c'est un peu brouillon
    Mais on corrig'ra les épreuves
    Pas grave d'avoir l'air un peu con
    En éprouvant nos amours neuves
    
    Notre enthousiasme nous déborde
    on veut d'la réjouissance grivoise
    Du temps pour que nos cœurs s'accordent
    Et pour que nos corps s'apprivoisent
    
    Aux amants extraordinaire
    Qui veulent surtout que ça se sache
    Je vous dédie ces quelques vers 
    Gardez vot' suffisance potache
    
    Car vous ne m'ferez jamais croire
    Que tout est simple, qu'jamais ça tangue
    Dans aucune de vos histoires
    Mais je suis sans doute mauvaise langue
    
    En attendant, j'fait une chanson
    Sur l'oreiller, les idées pleuvent
    Je me chante un air à la con
    Car j'les aime bien nos amours neuves
  • 16. La gueulante

    16. La gueulante

    
    Allez j'm'en va nous dit Monsieur
    
    Chaque soir avant la fermeture
    
    Sur le trottoir d'vant la devanture
    
    Du bar de l'avenue Montesquieu
    
    
    
    
    Sa main a un peu la tremblante
    
    Mais y paye sans r 'chigner l'ardoise
    
    Mets son chapeau à l'iroquoise
    
    Pis tous les soirs pousse sa gueulante
    
    
    
    
    Y en a marre des marabouts
    
    Qui nous tiennent par des bouts d'ficelle
    
    Y en a marre des ceusses à g'noux
    
    Y en a marre des genoux trop frêles
    
    
    
    
    Marre de la grêle qui nous gronde
    
    Marre des ondes dedans nos têtes
    
    Marre des étoiles au micro-ondes
    
    Marre de l'ondée dessus nos fêtes
    
    
    
    
    Si c'est comme ça moi je m'arrache
    
    J'reviendrais plus bandes d'apache
    
    À vouloir trop vous préserver
    
    Z'allez finir par m'énerver
    
    
    
    
    Monsieur nous dit Allez, j’m'en va
    
    Chaque soir pendant la fermeture
    
    Et puis il s'adosse contre le mur
    
    Pour que le mur reste bien droit
    
    
    
    
    La cigarette virulente
    
    Et puis la colère au poing
    
    Il cognait fort chez les voisins
    
    Pour leur chanter sa p'tite gueulante
    
    
    
    
    Y en a marre des marabouts
    
    Y en a marre des rabougris
    
    Marre du gris dans le ragout
    
    Y en a marre des gouts aigris
    
    
    
    
    Marre des écrits au cognac
    
    Marre d'l'ammoniac dans le café
    
    Marre des fées tout feu tout trac
    
    Marre des accidents de mafé
    
    
    
    
    Si c'est comme ça moi je m'arrache
    
    J'reviendrais plus bandes d'apache
    
    À vouloir trop vous préserver
    
    Z'allez finir par m'énerver
    
    
    
    
    Mais un jour on a vu monsieur
    
    Nous dire j'm'en va, et s'en aller,
    
    ça nous a fait un drôle d'effet
    
    D'un coup c'est dev'nu silencieux
    
    
    
    
    Puis il est r'venu d'entre les morts
    
    En disant c'est marre je reste un peu
    
    Laissez-moi une minute ou deux
    
    Juste pour pouvoir gueuler encore
    
    
    
    
    Y en marre des marabouts
    
    Et d'vos économies d'chandelles
    
    Faut la bruler par les debout
    
    C'est debout que la flamme est belle
    
    
    
    
    Y en a marre des amarantes
    
    Et des amantes à l'oeil moqueur
    
    Marre des hauteurs de la tourmente
    
    Et marre des essoufflés du coeur
    
    
    
    
    Marre du cœur entre deux chaises
    
    Marre des chaises de bureaucrate
    
    Y en a marre des catachrèses
    
    Des encrisées en cravate
    
    
    
    
    Marre de tout les va t'en guerre
    
    Marre des gens exaspérés
    
    Y en a marre d'être en colère
    
    Marre d'vous entendre soupirer
    
    
    
    
    Et sans adieu, et sans une tache
    
    Il partira l'dernier apache
    
    Alors m'parle pas d'me préserver
    
    Tu finirais par m’énerver
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
    
  • 15. Carpe Diem, mon cul !

    15. Carpe Diem, mon cul !

     
    Sûr que ça a de l'élégance
    Sûr que parfois ça explique l'heure
    Sûr que la joyeuse indolence
    Vaut mieux, bien sûr, que pas d'bonheur
    
    Sur qu'on ne sait pas tout sur tout
    Sur qu'y a des trucs qui nous échappent
    Sûr que qu'on est à genou
    Ça aide d'avoir une soupape
    
    Oui, mais voilà
    J'aime pas qu'on ouvre mes chakras au pied d'biches
    Ou qu'on découvre tout mon intime en friche
    J'aime pas qu'on m'gave 
    Jusqu'à plus faim d'accord toltèque
    Je sens qu'on m'traite d'épave
    jusqu'à ce que j'sorte le carnet d'cheque
    
    Moi je préfère Taggué
    Carpe diem mon cul
    Les vainqueurs font payer
    Leur bonheur aux vaincus
    
    Sûr que ça a l'air scientifique
    Sûr qu'ils sont beaux tout leur tableur
    Sûr qu'une organisation pratique
    c'est très bon pour les travailleurs
    
    Sûr que c'est mieux l'esprit ouvert
    Sûr que c'est beau les mots nouveaux
    Sûr qu'il y a jamais de frontière
    Pour optimiser ton boulot
    
    Oui, mais voilà
    J'aime pas l'manège 
    du manageur qui ment
    J'aime pas les cartes privilège 
    qui mènent à l'enfermement
    
    J'aime pas qu'on veuille m'accomplir
    jusqu'à ce que je sois cadenassé
    Je n'aime surtout pas leur sourire
    que je trouve bien trop carnassier
    
    Moi je préfère Taggué
    Carpe diem mon cul
    Les vainqueurs font payer
    Leur bonheur aux vaincus
    
    Sûr que ça fait bien dans l'discours
    Sûr qu'on aspire à la même chose
    Sûr que le bonheur est bien court
    Alors faut voir la vie en rose
    
    Sûr que c'est plus agréable
    De n'plus être c'ui qui fais la gueule
    Sur que ça fait plus présentable
    Un mort qui sourit dans l'cercueil
    
    Oui, mais voilà
    J'aime pas qu'on m'empêche 
    D'user de mes teintes pastel
    Jaime pas les prêches
    Et les dogmes du développement personnel
    
    J'aime pas les injonctions
    à devenir à tout prix heureux
    J'aurais de la satisfaction
    Quand on fera fondre à l'acide
    Cette fausse idée d'avenir radieux
    
    IL est grand temps d'changer
    Tous ces carpe diem qui m'écoeurent
    Il est temps que les vaincus fassent payer
    Leur bonheur aux vainqueur
    
    
  • 12. Tes lendemains

    12. Tes lendemains

     
    Souvent je les laisse au fond d'mes poches
    
    C'est pour ça qu'ma langue est d'sortie
    
    Ce n'est pas que je les trouve moches
    
    Quoiqu'un peu si
    
    
    
    
    Je ne les mets jamais en l'air
    
    Je me les traine à bout de bras
    
    Car je ne sais jamais quoi faire
    
    De mes dix doigts
    
    
    
    
    Je remets mon courage à deux mains
    
    Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine
    
    Mettons nos joies d'hier en commun
    
    Tes lendemains dans les deux miennes
    
    
    
    
    Parfois pour me faire bien comprendre
    
    J'les agite devant les copains
    
    À tel point qu'ils refusent de prendre
    
    Mes coups de main
    
    
    
    
    J'fais des grands gestes c'est banal
    
    Souvent ça ne ressemble à rien
    
    Elles ont toujours beaucoup de mal
    
    à faire le point
    
    
    
    
    Je remets mon courage à demain
    
    Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine
    
    Mettons nos joies d'hier en commun
    
    Tes lendemains dans les deux miennes
    
    
    
    
    Quand je me sens embarrassé
    
    Elles se tordent dans tous les sens
    
    Et elles commencent à s'embrasser
    
    Quelle indécence
    
    
    
    
    Elles ne sont pas vraiment adroites
    
    Particulièrement quand je fauche
    
    Elle demeure ballote et benoite
    
    Mes deux mains gauches
    
    
    
    
    Je remets mon courage à demain
    
    Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine
    
    Mettons nos joies d'hier en commun
    
    Tes lendemains dans les deux miennes
    
    
    
    
    Et si elles ont mauvaise mine
    
    les ongles rongés jusqu'au sang
    
    C'est que l'existence me chagrine
    
    assez souvent
    
    
    
    
    Elles auraient besoin c'est normal
    
    D'une manucure de jouvence
    
    D'une épilation pour ce poil
    
    Quelle négligence
    
    
    
    
    Je remets mon courage à demain
    
    Pour qu'aujourd'hui en vaille la peine
    
    Mettons nos joies d'hier en commun
    
    Tes lendemains dans les deux miennes
    
    
    
    
    Alors pour se sentir utile
    
    Elle s'empare de ce bout de bois
    
    Et puis elles gratouillent malhabiles
    
    du bout des doigts
    
    
    
    
    Elles ne savent pas faire grand-chose d'autre
    
    Que des chansons et des refrains
    
    Elles aiment entendre claquer les vôtres
    
    Tout à la fin 
    
  • 11. Drite et Mache

    11. Drite et Mache

     

    LE PLAGIAT

    DRITE : Qu’est ce que le plagiat Mache

    MACHE : Le plagiat Miche, c’est quand tu copies ou que tu voles une idée à quelqu’un.

    Pause

    DRITE : Mais comment, on peut voler une idée, ça n’existe pas une idée.

    MACHE : Ce n’est pas parce qu’on ne voit pas quelque chose qu’elle n’existe pas. Les idées, Drite, c’est un peu comme des papillons qui volerait autour de nous ne permanence. On tend son filet, on en attrape quelques-uns, et ceux qui nous plaisent le plus, on les épingle

    DRITE : Les épingles ?

    MACHE : Oui, dans un grand livre, ou sous du verre pour pouvoir les admirer plus tard. Tu veux essayer d’attraper une idée Drite

    DRITE : Oh, non ! C’est plus joli de les regarder papillonner.

    LE CINÉMA

    DRITE : Qu’est ce que tu fais, Mache ?

    MACHE : Les yeux fermés je regarde un film

    DRITE : Un film ? Mais qu’est ce que tu peux voir ? Tu as les yeux fermés

    MACHE : Parfois, c’est avec les yeux fermés qu’on voit bien les choses

    DRITE : Et là qu’est-ce que tu vois Mache ?

    MACHE : Je vois, les ombres qui courent dans les rues et dans ma mémoire, les remords égarés, et les regards bleus qui inspire le désir . Je vois toutes les histoires du monde racontées tant de fois, et puis ça me rassure.

    DRITE : Énervé Tu dis n’importe quoi Mache. Tu peux rien voir du tout. On ne peut pas regarder un film avec les yeux fermés !

    MACHE : Parfois, Drite c’est la seule façon de faire

    L’ÉVASION

    DRITE : Qu’est ce que tu fais Mache ?

    MACHE : Chut ! Ne fais pas de bruit.

    DRITE : Tu creuses un trou ? Mais pourquoi faire ?

    MACHE : Je creuse un trou pour m’évader d’ici. Silence maintenant, ils pourraient nous entendre.

    DRITE : Qui ça, Mache ?

    MACHE : Les mots, Drite, les mots pourraient nous entendre.

    DRITE : Et alors ? Quel mal il y a si les mots nous entendent ?

    MACHE : S’ils nous entendent, alors ils pourraient vouloir nous faire parler.

    Drite réfléchit

    DRITE : Je creuse avec toi, mâche

    LE BEAU

    DRITE : Que c’est beau !

    MACHE : qu’est-ce que tu trouves beau Drite ?

    DRITE : Le paysage devant nous, je trouve qu’il est beau 

    MACHE : Oui, mais qu’est ce que tu trouves beau exactement ? La couleur du ciel, le mouvement de l’eau ? La forme des nuages ?

    DRITE : Je ne sais pas Mache, un peu tout je pense. Pourquoi tu me demandes ça ?

    MACHE : Parce que si je savais exactement ce qui est beau, je pourrais ainsi le recréer à chaque fois que je veux voir quelque chose de beau, je pourrais même le vendre, et puis…

    DRITE : Regarde le paysage Mache

    L’HORIZON

    DRITE : Voilà, la ville, la forêt, les champs de blé, puis la rivière, et là-bas loin à l’horizon, il y a …

    MACHE : L’horizon, qu’est ce que c’est ?

    DRITE : L’horizon, c’est l’inatteignable

    MACHE : L’inatteignable, mais comment on fait pour y aller ?

    DRITE : Tu ne peux pas. L’horizon, c’est la lisière des choses. Un endroit qui n’existe pas, mais qu’on voit quand même.

    MACHE : C’est l’inverse du vent en fait. Le vent existe et pourtant on ne le voit pas.

    DRITE : C’est tout à fait ça.

    Silence

    MACHE : Mais le vent, lui, il peut y aller jusqu’à l’horizon. Qu’est ce qu’il y a là bas ?

    DRITE : Là où le vent et l’horizon se rencontrent, Mache, c’est là que vit l’espoir.

    LA FÊLURE

    DRITE : Merde !

    MACHE : Qu’est-ce qu’il y a Drite ?

    DRITE : J’ai laissé tomber ma tasse. Elle est cassée maintenant. Mais c’était ma tasse préférée.

    MACHE : Ce n’est pas grave Drite, tu n’as qu’à la recoller.

    DRITE : Mais ce ne sera pas la même chose. Il y aura toujours une marque. Une cicatrice. Et ça me rappellera toujours qu’elle a été cassée.

    MACHE : Et pourtant parfois tu sais, ça embellit

    DRITE : Quoi ?

    MACHE : Les fêlures.

     

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  • 9. Le problème avec Ryan Gosling

    9. Le problème avec Ryan Gosling

    Le problème avec Ryan Gosling

    • Le problème avec Ryan Gosling, c’est que je n’arrive pas à croire qu’il existe. Pourtant j’ai vu des films avec lui et tout, mais rien à faire, je n’arrive à l’imaginer dans la vie. Je sais pas genre en train de bouger, en train de sourire, en train de manger. Je ne sais pas pourquoi. J’ai l’impression que ce mec n’est qu’une image. Tiens, rien que sa voix, je n’y arrive pas. Je veux dire, je sais qu’il parle, je sais que des mots sortent de sa bouche, je sais qu’il dit des répliques, je comprends le sens des phrases, je comprends le rôle dans le film, tout ça mais je n’arrive pas à croire qu’il parle. Je ne lui entends aucune voix, si te veux. Pourtant, je l’ai entendu chanter dans Lalala land, et même pas très bien j’ai trouvé. Je peux même dire que je préférais quand il chantait mal dans Blue Valentine. Je peux avoir un avis sur la voix de Ryan Gosling, je peux choisir, préférer. Mais je n’arrive pas à l’entendre quoi. Quand je pense à Ryan Gosling, c’est un peu vide. C’est étrange non ? Qu’est ce que tu en dis toi ? T’en parlerais au psy à ma place ?

    Il avait dit ça nonchalamment, ni par inquiétude, ni par ennui, mais sincèrement, juste comme ça, pour avoir l’avis de l’autre. L’autre qui, l’air de rien, pour pas déranger, commençait gentiment à trépigner, et à penser à autre chose, parce que c’est vrai, il y a autre chose à penser dans la vie qu’à l’existence ou non de Ryan Gosling après tout, il y a les projets à avancer, les rendez-vous à honorer, les pulsions à combler d’une manière ou d’une autre et tout le bordel de la sociabilité, et on sait bien que tout le monde se fout de Ryan Gosling, ce n’est même pas une pensée pertinente mais on veut rester poli, alors on écoute. Et on incline la tête comme par assentiment, mais en réalité, c’est une supplique pour abréger la conversation.

    • Tiens, c’est pas pour enfoncer le clou, mais genre, le gars il a toujours, mais toujours la même tête. Et tu sais le pire dans cette histoire ? C’est que je comprends pourquoi ça m’obsède autant. Je n’ai même pas d’avis sur Ryan Gosling, je m’en fous. Qu’est-ce que ça peut bien me faire au fond que Ryan Gosling existe ou non ? Rien, absolument rien. Et pourtant, j’y pense, j’y pense parce que je me dis que ce gars a des collaborateurs, des gens avec qui il travaille, des amis avec qui il boit des coups, enfin des gens quoi. Mais je n’y arrive pas. Y a comme une espèce de blanc. C’est vraiment étrange. Je pense que c’est parce que l’autre jour, on a reçu un texto. C’était l’ancien psy qui voulait que je lui laisse une note et un avis sur Google à propos de mon chemin thérapeutique avec lui, et je me suis demandé : qu’est-ce qu’on peut bien laisser comme avis sur son psy ? Je veux dire, c’est étrange non ? C’est vachement intime ce qu’on raconte à un psy, du coup, impossible de m’imaginer un avis à laisser. Ou si. Mais alors des avis comiques du genre : « Analyse basée sur la méthode win/win. Je soigne ma dépression en comblant ses besoins narcissiques ». Ou encore un grand message blanc avec écrit en bas en tout petit : « A réussi à me redonner confiance en moi ». Je trouvais ça hyper drôle. Puis j’ai évité de le poster parce que j’avais peur qu’il m’appelle pour m’engueuler et pour me rappeler que l’humour était un mécanisme de défense pour tenir les autres à distance. Et en songeant à ça, je me suis dit que décidément je m’empêchais de faire plein de trucs par culpabilité, parce que, s’il faut, il aurait trouvé ça drôle en fait. Je présuppose beaucoup des réactions des gens, tu trouves pas ? D’ailleurs, c’est lui qui m’a ouvert les yeux à propos de ça, alors forcément, je voulais plus me moquer. J’ai pensé à cet avis tout blanc, et c’est là que j’ai dû commencer à me rendre compte que cette absence d’idée, ben c’était exactement ça, le problème avec Ryan Gosling. Enfin, tu comprends ça, j’imagine.

    Bien entendu que l’autre comprenait ça. Ça faisait des années qu’il le comprenait bien. Il comprenait ça tellement bien qu’il ne comprenait pas pourquoi il était en train de s’infliger ça. Pourquoi s’encombrer la tête avec Ryan Goslin alors que la vie est vaste après tout. Il est mille chemins inexplorés, mille incertitudes à affronter, mille espoirs et mille doutes à traverser. Plutôt que de rester sur cette histoire d’absence, il faudrait se lever, pour aller affronter tout ça à nouveau, pour se retirer Ryan Gosling de la tête. Haut les cœurs, courage au ventre et sonnons la charge, bordel de merde. Mais non, faut rester là, à l’écouter délirer sur les notions de vide et d’existence d’un acteur dont il n’a vu au fond que deux ou trois films. Alors, tu comprends, la vraiment je peux plus rester, il est temps pour moi d’y aller, c’est comme ça, je dois prendre mon tour quoi, on va pas passer la nuit là-dessus.

    • Oui bien sûr, excuse-moi je te mets pas en retard, mais comme ça me trotte, j’ai besoin d’en parler pour m’en débarrassé tu comprends. Je sais bien que tu n’as pas le temps, que pour toi tout ça ça recommence, mais faut prendre du temps aussi parfois pour du futile. Pour les interrogations de nulle part, c’est peut-être là-dedans que parfois né l’imaginaire, tu ne crois pas ? Non bien sûr, tu crois pas à ça toi, trop rationnel, trop dans tes plans, dans tes organisations. Regarde-moi, tout rempli de culpabilité et de mise à distance de l’autre, bien sûr que j’ai commencé comme ça. Mais tu as beau tout organiser bien avec des post-its de couleur et des effaceurs de stabilo, ben tu te retrouves fatalement par t’interroger sur l’existence de Ryan Gosling. Qu’est ce que tu veux que je te dise. Ça te paraît pas incroyable, ce milliard de choses futile qui te traverse la tête. Tu crois pas que y a quelque chose là-dedans. Un truc dont tu pourrais peut-être parler à ton nouveau psy. Tu pourrais lui demander à lui aussi s’il veut un avis, tiens ! En espérant que deux avis positifs ne font pas un avis inconscient. Non tu peux pas comprendre c’est des blagues de mathématicien-psychanalyste. Oui d’accord, moi non plus je sais pas ce que ça veut dire mais je suis pas mathématicien-psychanalyste. Je suis même pas sûr que ça existe vraiment. Pourtant ça ferait un métier du tonnerre. On psychanalyserait les nombres et les chiffres. Le 8 là, qui est probablement un maniaque. Le 4, pervers narcissique. Et le sept… un névrosé de première. Sans parler du zéro. Bref, je sais pas te le dire autrement, mais c’est ça, le problème avec Ryan Gosling.

    La plupart du temps, je ne pense pas à Ryan Gosling. Oui, mais parfois mon dimanche soir parle avec mon lundi matin.

  • 8. Technicolor

    8. Technicolor

    Vert carmin
    Rouge bouteille et jaune souris
    Le matin
    J'veux pas voir le monde en gris
    J'imagine
    Sentir tes soupirs rougir
    Toi, sanguine
    Moi, daltonien du désir
    
    J'ai encore des éclats
    De couleurs mais parfois
    Le temps s’essouffle et s'éteint
    Blanche est la chevelure
    Dans les premières fêlures
    Du grand miroir d'étain
    
    Le soleil
    Qui caresse ton visage
    Or vermeil
    Un rayon rate son virage
    Et me touche
    Dans l’œil, il me faut m'enfuir
    Sainte nitouche
    Moi, daltonien du désir
    
    J'ai encore des éclats
    de couleurs mais parfois
    Le temps s’essouffle et s'éteint
    Blanche est la chevelure
    Dans les premières fêlures
    Du grand miroir d'étain
    
    C'est étrange
    J'ai pas l'sens de l'esthétique
    J'suis orange
    Dans mes nuit blanches éléctriques
    J'suis perdu
    J'crois que je me sens bleuir
    J'suis écru
    Moi, daltonien du désir
    
    J'ai encore des éclats
    De couleurs mais parfois
    Le temps s’essouffle et s'éteint
    Blanche est la chevelure
    Dans les premières fêlures
    Du grand miroir d'étain
    
    Et j'éclate
    J'ai plus la notion de l'heure
    Écarlate
    J'vois mille et une couleur
    Apparaitre
    Me pigmenter le zéphyr
    Pour plus être
    Un daltonien du désir
    
    Fermer enfin les yeux
    Pour voir bien pour voir mieux
    les couleurs du dessin
    Prendre le temps encore
    D'voir en technicolor
    Et sans miroir d'étain
  • 6. Une Histoire

    6. Une Histoire

    Une Histoire

    À Sally… Et à Marième aussi un peu.

    J’ai voulu raconter une histoire. L’histoire d’un petit caillou tout pointu, tout pointu, qui rêverait d’être un beau galet tout rond pour faire des ricochets. Le caillou tout pointu rêverait de faire des ricochets, mais les autres cailloux lui ont dit « ben non tu peux pas faire des ricochets, tu es juste un caillou tout pointu, alors que pour faire des ricochets, il faut être un beau galet tout rond, les cailloux tout pointus comme toi, personne ne les prend pour faire des ricochets. Pour ça il faudrait que tu attendes, attendes que la pluie et le vent te lissent, te polissent, et délissent, faut que tu attendes que tes angles s’arrondissent si tu veux être un beau galet tout plat pour faire des ricochets. Alors le petit caillou, vous savez ce qu’il fait ? Et bien, le petit caillou, il attend.

    Non, m’a dit Sally. Non, ça, c’est trop triste. C’est dans longtemps, on sera mort. Alors, je n’ai pas raconté cette histoire.

    J’ai voulu raconter l’histoire de M.Amar qui à chaque fois qu’il revient du marché, fait dix pas puis pose ses sacs, s’arrête pour prendre son carnet, et note une idée. Et tous les gens qui le voient partir du marché, regardent monsieur Amar tous les dix pas, poser ses sacs, sortir son petit calepin, et noter une idée. Et les gens se demandaient : mais qu’est-ce que M.Amar, tous les dix pas, peut noter comme idée ? On ne lui connaissait aucune passion dévorante ni d’appétit littéraire. Mais chaque fois, avec ses sacs, tous les dix pas, crac, carnet. Un jour monsieur Amar est mort. Comme il n’avait pas d’enfant, les gens du quartier, curieux, ont aidé à débarrasser la maison dans l’espoir de retrouver les petits carnets de monsieur Amar pour savoir ce que tous les dix pas, crac, il notait. À vrai dire, on a fini par comprendre que M Amar les brûlait au fur et à mesure. Certains pensent qu’il s’agit probablement d’un chef d’œuvre, d’autres que M Amar avait simplement la sciatique et ne voulait pas le montrer aux gens du quartier. Mais ces gens-là ne connaissent rien à rien, ni à la littérature, ni à la sciatique et encore moins aux petits carnets.

    Non m’a dit Sally. Non quand on ne sait pas c’est frustrant. Il n’y a pas d’étincelle. Alors je n’ai pas raconté cette histoire.

    J’ai voulu raconter l’histoire d’un homme dans une chambre qui vivait avec un remords. Un immense remords. Il avait promis il y a longtemps, très longtemps à une fille dont il était amoureux de l’emmener au Portugal, à Viana do Castelo, et l’emmener sur la pointe la plus avancée. Il voulait faire tout ça parce qu’il avait promis qu’on pouvait voir l’Amérique depuis le Portugal. Et l’homme dans sa chambre contemple son remords, le voyage à Viana do Costelo qu’ils n’avaient jamais fait, alors c’était la fille qui était partie avec le temps, le temps ce salaud qui vous souffle toutes vos amours si vous lui laissez trop de place. Il n’avait jamais apporté la preuve qu’on pouvait voir l’Amérique depuis le Portugal, et il vivait avec cette absence de preuve comme un remords. Il n’avait jamais apporté la preuve qu’on pouvait voir l’Amérique depuis le Portugal. Tout simplement parce qu’on ne peut pas.

    Non m’a dit Sally. Non quand on sait tout, c’est frustrant. Il n’y a plus de possible. Alors je n’ai pas raconté cette histoire.

    J’ai voulu raconter l’histoire de Charles « One eyed Charlie» McRory, tête d’irlandais dur comme de la pierre , qui n’avait qu’un oeil, mais qui boxait mieux que Dieu avec les deux. Il voyait tout, cet homme-là depuis qu’il avait perdu la moitié de la vue. Il disait « comme ça, je ne vise que l’essentiel ». Pas moyen de le surprendre, de lui allonger une droite. Il ne frappait pas fort, mais à la longue, il les avait tous, y en a pas un dans sa catégorie qui pouvait le toucher. Il disait, pas besoin d’un bon punch quand tu sais esquiver. Il disait : pas besoin d’esquiver si tu es déjà à la bonne place avant même que l’autre ne fasse partir son coup. One eyed Charlie, soixante-sept kilos, 48 combats, 47 victoires aux points, 1 défaite par KO. Il n’a perdu qu’une seule fois. Même pas contre un boxeur professionnel non. Contre le pianiste du Murphy’s. En plus, ce n’était même pas sur un ring, c’était dans l’arrière-cour, quand One eyed Charlie un peu trop bourré avait voulu régler son compte à « Blindie  Jack » parce qu’il refusait de jouer A rocky road to Dublin. Blindie Jack comme son nom l’indique, était aveugle. Et on raconte qu’après l’avoir étalé dans l’arrière-cour, Blindie Jack a dit à One eyed Charlie : « Tu ne vois que l’essentiel, mais l’essentiel, c’est déjà trop ».

    Non m’a dit Sally. Non, il ne faut pas qu’à la chute de l’histoire, quelqu’un se retrouve au tapis. Il faut chuter comme une feuille. Simplement et avec élégance. Alors je n’ai pas raconté cette histoire.

    J’ai voulu raconter l’histoire d’un écrivain qui fumait plus qu’une entreprise de traitement des déchets, et qui pour se motiver à écrire, se roulait une clope devant sa page blanche, puis se disait, mille mots, dans mille mots tu peux fumer, mais écrit d’abord tes mille mots. Parce que l’écriture n’est pas une question de qualité, mais de quantité, il faut écrire et réécrire un bon millier de fois avant de pouvoir sortir quelque chose de correct. Alors, sa clope roulée à côté de sa feuille blanche, il écrivait ses mille mots, les uns après les autres. De mille mots en mille mots, il a fini par faire un roman, puis deux puis trois. Il a rencontré un éditeur et puis le succès dans la foulée. Il a commencé à faire attention à sa santé, il s’est décidé à arrêter de fumer, mais il a gardé pour lui la dernière cigarette à portée de sa feuille blanche pour se motiver à écrire mille mots. C’était sa petite tradition. Il ne fumait pas, mais il gardait sa cigarette, et le briquet. Pour se rappeler qu’il faut écrire comme une envie de fumer. Bien sûr, il a perdu la cigarette. Et le briquet. Mais ce jour-là, il a ouvert sa page blanche, et il a raconté sa cigarette, et il a raconté son briquet, et il a raconté les mille fois mille mots qu’il avait écrits comme on fume.

    Non m’a dit Sally, il ne faut pas commencer par l’habitude. C’est trop près, ça me fait peur.

    J’ai voulu raconter l’histoire de Mac et Max qui s’aimaient depuis leur tendre enfance, et qui sont restés amoureux toute leur vie sans jamais un moment de doute. Et quand on leur a demandé quel était leur secret, ils ont répondu, « c’est qu’on s’emmerde très lentement. » J’ai voulu raconter l’histoire de Petit Jean et d’une fourmi qui firent la course pour savoir qui toucherait la lune en premier. Et qu’on n’a jamais su qui avait gagné. J’ai voulu raconter l’histoire d’un homme qui se trimballait toujours avec sa conscience sur son épaule droite ce qui lui faisait courber le dos, et lui donner une silhouette abattue. J’ai voulu raconter l’histoire d’un homme qui aurait voulu savoir dessiner un arbre, mais qui ne savait pas s’il fallait commencer par les feuilles, le tronc ou les racines, et selon l’avis de chacun, il recommençait en permanence.

    Mais Sally ne voulait pas. Sally ne voulait pas d’histoire avec trop de mots. Sally ne voulait pas d’histoire qui finirait dans longtemps, elle ne voulait pas d’histoire qui joue avec le temps, qui joue de ces personnages. Sally ne voulait pas d’histoires pleine de silence et de non-dit, d’histoires pleine de souffrance ou de « on dit ».

    Alors ce jour-là, je ne lui ai pas raconté d’histoire. Je lui ai offert une glace au chocolat. Elle l’a goûté et m’a dit : oui, cette histoire-là, elle est bonne ».